Berlin mise sur Alger, Moscou attend

Alors que la guerre en Ukraine redéfinit les équilibres mondiaux, l’Europe énergétique se retrouve à la croisée des chemins. Entre fin de dépendance et retour de flamme diplomatique, les positions vacillent. Dernier rebondissement en date: selon Investing.com, les États-Unis et la Russie discuteraient d’un possible rétablissement des exportations de gaz russe vers l’Europe. L’idée, aussi surprenante qu’elle puisse paraître dans le contexte actuel, s’inscrit dans une dynamique plus large de négociations autour d’un règlement du conflit en Ukraine. Moscou espère récupérer une partie de sa part de marché perdue – passée de 40 % à 19 % depuis 2022. Le scénario évoqué inclut même une implication américaine dans des infrastructures gazières telles que Nord Stream ou les gazoducs ukrainiens. Mais Bruxelles, fidèle à sa ligne, reste inflexible: fin des nouveaux contrats en 2025, arrêt total des importations en 2027. Pourtant, Moscou ne lâche pas prise, promettant des contrats courts et des remises pour tenter de séduire à nouveau. Sur le terrain des prix, la situation reste étonnamment calme. Comme le note l’ICIS dans son rapport publié mercredi, les marchés du gaz et de l’électricité devraient rester stables jusqu’à fin mai. Une tranquillité de surface, nourrie par des fondamentaux toujours tendus et un contexte économique globalement incertain. Le contrat TTF a chuté à 31,86 €/MWh fin avril, un plus bas depuis juillet 2024. En cause, entre autres, l’annonce par Donald Trump d’un tarif douanier universel de 10 %, qui fait planer le spectre d’une récession (ICIS, 2025). Bruxelles, elle aussi, joue sur les curseurs : en baissant l’objectif de remplissage des stocks de gaz de 90 % à 83 %, elle a contribué à détendre un peu les marchés estivaux. Mais sur le plan mondial, la tension reste palpable, avec un déficit attendu de 300.000 tonnes sur le marché du GNL. Dans ce grand jeu de réalignement, l’Allemagne avance ses pions. Longtemps otage énergétique de la Russie, Berlin se tourne vers l’Algérie, acteur discret mais ambitieux. Un accord signé avec la société VNG prévoit des premières livraisons dès 2026, via les infrastructures italiennes. Une première, et une percée notable sur un marché historiquement verrouillé par Moscou. Katherina Reiche, la nouvelle ministre allemande de l’Économie, assume cette mutation: des centrales à gaz pour 20 GW d’ici 2030 et un soutien maintenu aux énergies renouvelables. «Les renouvelables ne suffisent pas à couvrir nos besoins», admet-elle sans détour. Entre prudence politique, tactique économique et impératifs climatiques, l’Europe cherche un nouvel équilibre. Ni retour complet à l’ancien monde, ni saut aveugle vers un avenir incertain : c’est sur cette ligne de crête que se dessine, jour après jour, sa nouvelle cartographie énergétique.


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