Comme chaque année, le 8 avril, un hommage est rendu à Cheikh Mohand Améziane Belhaddad, figure spirituelle de la Tariqa Rahmania et du soulèvement de 1871, conduit aux côtés d’El Mokrani contre l’occupation coloniale française. A Seddouk, dans cette terre de résistance menée par l’un de ses enfants illustres, Cheikh Belhaddad, l‘occasion se renouvelle, chaque année, pour se recueillir sur sa tombe au mausolée de Seddouk Oufella, où repose le cheikh et ses fils M’hand et El-Aziz. Inauguré en juillet 2009, ce lieu de mémoire, situé à 6 km à l’est de Seddouk, à 65 km au sud-ouest de Béjaïa, attire chaque année de nombreux visiteurs venus de tout le pays, voire de l’étranger, en quête de recueillement et de mémoire. L’histoire de la lutte pour la libération nationale s’inscrit dans la continuité d’événements majeurs, et la guerre de libération du 1er novembre 1954 trouve ses racines dans les soulèvements antérieurs, notamment celui du 8 mai 1945, lui-même précédé de la grande insurrection de 1871. Ce mouvement révolutionnaire a débuté au village d’El-Kalaâ des Ath Abbès, véritable bastion historique, qui abrite entre autres une grande mosquée d’architecture andalouse et le mémorial dédié à El Mokrani. Les habitants espèrent d’ailleurs voir ce site classé patrimoine historique national. L’insurrection de 1871 fut déclenchée par Mohamed El Mokrani, alors Bachagha de Medjana, et appuyée par Cheikh Belhaddad, guide spirituel de la confrérie Rahmania. Le 14 mars 1871, El-Hadj El Mokrani annonçait la guerre à l’occupant, et dès le 16 mars, son frère Boumezrag, à la tête de 6 000 combattants, attaquait Bordj Bou Arréridj, forçant les Français à fuir. Le 6 avril, Cheikh Belhaddad rejoint l’insurrection, apportant le soutien de près de deux cents tribus affiliées à la Tariqa Rahmania. Des témoignages d’historiens rapportent même la participation de Mahieddine, fils de l’Émir Abdelkader, qui aurait acheminé des armes depuis la Syrie via la Libye. L’insurrection se propagea rapidement, touchant presque tout l’Est algérien avant d’atteindre le centre du pays. Après deux mois de combats, El Mokrani tombe au champ d’honneur le 5 mai 1871. Son frère poursuivra la lutte jusqu’à son arrestation en janvier 1872, avant d’être déporté au bagne de Nouvelle-Calédonie, comme tant d’autres résistants. Cheikh Belhaddad, bien qu’affaibli par l’âge et la maladie, fut jugé, emprisonné à Constantine, et y mourut cinq jours après son incarcération. Son fils Aziz fut lui aussi déporté, mais parvint un temps à s’enfuir via l’Australie avant d’être capturé en Syrie. Il mourut dans des circonstances mystérieuses et fut enterré aux côtés de son père. En représailles, le régime colonial confisqua les terres et biens des familles ayant soutenu la révolte, par arrêté signé par Alexis Lambert. La répression fut sévère, visant à écraser toute volonté d’émancipation. Ce soulèvement, également connu sous le nom de « Révolution de la Terre », a pourtant ouvert la voie aux générations suivantes de patriotes, jusqu’à la libération en 1962. En 2009, les dépouilles de Cheikh Belhaddad et de son fils El-Aziz furent rapatriées du cimetière de Constantine à Seddouk-Oufella. Le mausolée, inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques de la wilaya de Béjaïa, comprend également une bibliothèque, des salles de lecture, et une exposition permanente dédiée à cette insurrection. Dernier hommage en date : en juillet 2023, à l’occasion du 61e anniversaire de l’indépendance, le port de Béjaïa a été officiellement baptisé au nom de Cheikh Belhaddad. Un symbole fort, puisque c’est de ce port que furent déportés de nombreux résistants vers la Nouvelle-Calédonie, dont les fils de Cheikh Belhaddad, Aziz et M’hand. Ainsi, chaque année, le 8 avril, Seddouk se fait le témoin vivant d'une histoire de courage et de sacrifice. En rendant hommage à Cheikh Belhaddad et à ceux qui ont pris part à la Révolution de la Terre, l’Algérie perpétue la mémoire de cette résistance héroïque qui a marqué les premiers pas vers l'indépendance. Le mausolée de Seddouk-Oufella, symbole de ce combat, demeure un lieu sacré de recueillement et de transmission de l’héritage des luttes passées. À travers ce lieu et ces cérémonies, les valeurs de liberté et de justice continuent de résonner, rappelant à tous l'importance de préserver la mémoire collective et de célébrer les héros qui ont forgé l’Algérie libre.