Depuis les dernières déclarations tendancieuses d’Eric Zemmour sur des «soi-disant bienfaits» de la colonisation de l’Algérie par la France, les réactions se sont multipliées dans l’Hexagone mais aussi au sein des historiens des deux rives pour confondre l’ancien candidat malheureux de la présidentielle française qui a eu lieu, de recadrer sa plume et ses propos ciblant la Palestine et l’Algérie, a fait dans la surenchère servant l’extrême droite. Et c’est incontestablement Benjamin Stora qui fait taire aujourd’hui et à jamais peut être l’écrivain polémiqueur français. Les propos tenus par Éric Zemmour lors d’un entretien sur BFMTV, le jeudi 6 février, ont une fois de plus déclenché le tollé et tenté de compromettre les efforts en ascension des historiens algériens et français de dire toute la vérité, sans nuances ni complexes d’ailleurs à propos notamment de la Guerre d’Algérie et les 132 ans de crimes macabres subis par les Algériens durant la colonisation. Seulement qui est ce sieur Eric Zemmour autoproclamé connaisseur de l’histoire de l’Algérie pour qu’il aille jusqu’à fourrer son nez dans ce qui ne le regarde pas et s’immiscer dans la mémoire commune algéro-française ? A quelle «solde» roule-t-il? Les tensions autour de la mémoire coloniale franco-algérienne sont toujours d’actualité. L’ancien candidat à l’élection présidentielle française a expressément choisi ce timing d’effervescence du climat politique entre Alger et Paris pour s’en prendre à la version authentique de l’histoire de la colonisation de l’Algérie et ce qu’elle avait causé comme préjudices entre crimes, spoliation de droits et de terres, atteintes à la culture et à l’identité nationale, expatriation de richesses, déportations d’algériens aux Cayenne et à la nouvelle Calédonie… Qu'a dit exactement Eric Zemmour ? Il a qualifié l’Algérie d’avant la colonisation française de «cloaque», affirmant que les Algériens devraient être «reconnaissants» pour les infrastructures construites par la France. C’est vraiment stupide et aléatoire de la part de ce soit disant journaliste et écrivains Les algériens devraient-ils pour autant être reconnaissants à la France coloniale pour avoir été massacrés jetés dans les geôles, décapités ou guillotinés? Ces déclarations sont perçues comme une contradiction flagrante et honteuse des souffrances endurées par le peuple algérien. Des déclarations ont fini par engendrer une vive indignation, notamment de la part de la militante décoloniale Rima Hassan et de l’historien Benjamin Stora. C’est finalement Benjamin Stora qui donne du fil à retordre à Zemmour et lui rappelle un épisode méconnu mais crucial de l’histoire franco-algérienne : C’est plutôt l’Algérie qui a donné de l’argent à la (puissance) France alors en crise à son époque semblait ainsi dire Stora. «La Régence d’Alger, bien loin d’être un «cloaque», était une entité politique et économique organisée. «C’est la Régence d’Alger qui a prêté de l’argent à la France, qui en avait besoin, au moment de la révolution française.», a-t-il souligné. Ce détail historique, souvent occulté, montre que l’Algérie précoloniale était une puissance régionale capable de soutenir financièrement une France en crise. Stora a également rappelé que c’est le refus de la France de rembourser cette dette qui a conduit à l’incident du «coup d’éventail» en 1827, lorsque le Dey d’Alger frappa le consul français avec un éventail. Cet événement a servi de prétexte à la France pour justifier l’invasion de l’Algérie en 1830. «C’est le refus du remboursement qui a provoqué le coup d’éventail du Dey d’Alger au consul français en 1827», a expliqué Stora, mettant en lumière les motivations économiques et politiques derrière la colonisation. Les propos de Zemmour, qui affirme que la France a «soigné » l’Algérie et n’a «rien à se faire pardonner», sont en totale contradiction avec les réalités historiques. Benjamin Stora, dans ses travaux, a longuement documenté les violences de la colonisation française : massacres, spoliations de terres, répression des cultures locales et exploitation économique. La France n’a pas apporté la «civilisation» à l’Algérie; elle a imposé un système oppressif qui a dévasté le pays et son peuple. Stora a également rappelé que la guerre d’Algérie (1954-1962) a été marquée par des atrocités commises par l’armée française, notamment des actes de torture, des exécutions sommaires et des déplacements forcés de populations. Ces crimes, longtemps occultés en France, font partie intégrante de l’histoire coloniale et ne peuvent être effacés par des revendications légitimes de réécrire l’histoire de la mémoire commune. Le moins que l’on puisse dire est que les déclarations de Zemmour visent à décrédibiliser le dossier de la mémoire et du droit absolu d’accès par les historiens à la totalité des archives coloniales de la France dont une majeure partie étant gardée en secret car entachée de faits d’irresponsabilités du point de vue pénal international et impliquant d’anciens généraux et tortionnaires Français et leurs collabos. Ses propos tentent également de minimiser les crimes commis par la France pendant la colonisation et la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). Rima Hassan, eurodéputée et militante décoloniale, a vivement réagi à ses propos. Elle a rappelé que la France a «massacré un tiers de la population algérienne, torturé, assassiné, violé et pillé». Elle a également souligné l’utilisation du territoire algérien pour des essais nucléaires, laissant des déchets radioactifs dont la durée de vie s’étend sur 24 000 ans. Ces crimes, loin d’être des épisodes isolés, s’inscrivent dans un système colonial fondé sur l’exploitation, la domination et la déshumanisation des populations locales. La France a imposé un régime d’apartheid économique et social, confisquant les terres, marginalisant les Algériens et réprimant toute velléité de résistance. Les infrastructures construites par la France, souvent citées comme preuve de sa «mission civilisatrice», étaient avant tout destinées à servir les intérêts des colons et à renforcer leur contrôle sur le territoire. Face à ces déclarations, Rima Hassan a insisté sur la nécessité pour la France de reconnaître ses responsabilités et d’aller au-delà des simples excuses. «Ce n’est pas seulement des excuses que la France doit à l’Algérie, elle lui doit aussi et surtout une justice compensatoire», a-t-elle déclaré. Cette demande de réparations, qu’elles soient matérielles, financières ou symboliques, est partagée par de nombreux Algériens et descendants de victimes de la colonisation. Les propos d’Éric Zemmour, bien que médiatiquement provocants, ne résistent pas à l’épreuve des faits historiques. Grâce aux chercheurs et historiens, la vérité sur la colonisation française en Algérie ne peut plus être ignorée. L’Algérie précoloniale n’était pas un «cloaque», mais une société organisée et prospère. La colonisation, loin d’être une «mission civilisatrice», a été une entreprise de domination et de destruction.
«C’est la Régence d’Alger qui a prêté de l’argent à la France». Benjamin Stora recadre Zemmour
- par B.kamel
- Le 09 Février 2025
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