Relations Algérie- France. Les «quatre vérités» de Tebboune

L’Algérie «perd du temps» avec le président français Emmanuelle Macron. Le président algérien Abdelaziz Tebboune dénonce un «climat délétère» avec Paris mais ne ferme pas pour autant la porte du dialogue à condition que Macron fasse «des déclarations politiques fortes». «Ce n’est pas à moi de les faire» affirme-t-il. Les sorties médiatiques «anti algériennes» en France d’hommes politique «triés sur le volet» n’ont pas manqué de faire réagir le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune au moment où son homologue français, lui, préfère se tapisser dans le silence faisant l’impasse sur tout ce qui se dit sur l’Algérie ou qui nuit et dérange les intérêts algéro-français. Le président de la république Abdelmadjid Tebboune a choisi ce moment précis pour affirmer que les déclarations hostiles de politiques français à l'encontre de l'Algérie ont engendré un climat délétère qui a contribué à la détérioration des relations algéro-françaises. Il faut avouer que jamais les relations entre les deux pays n’ont atteint un climat aussi tendu. Les observateurs retiendront que curieusement cette tension est montée d’un cran après la réélection par le peuple algérien du président algérien pour un second mandat. Or en quoi l’Algérie dérangerait-elle la France de Macron? Le pays a défendu ses positions souveraines et infaillibles comme le dossier du Sahara occidental et le droit à l’indépendance du peuple palestinien. L’Algérie a brigué pour la quatrième fois un mandat au Conseil de sécurité de l’ONU. Elle s’est dite plusieurs fois contre sa normalisation avec Israel. Et pour couronner le tout, la cabale contre l’Algérie de l’extrême droite en France a accentué le torchon. Aujourd’hui l’Algérie met l’opinion et le monde à témoin. Le président de la république en veut énormément à cette cabale qui cible l’Algérie et son peuple. «Le climat est délétère» a-t-il asséné, «Nous perdons du temps avec le président Macron et nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le contentieux mémoriel» a expliqué le président algérien. Quelle solution a-t-il vu juste de faire aboutir ce contentieux? Le président de la république a été l’artisan de la création de la commission mixte d’historiens français et algériens sur la mémoire et les archives. Mais il semble que des pressions côté français pèseraient sur les travaux entames par cette commission alors que le président algérien a durant longtemps prôné de dépolitiser ce dossier. Le Chef de l’Etat poursuit : «C'est pour cela que nous avons créé à mon initiative une commission mixte pour écrire cette histoire qui nous fait encore mal", a indiqué le président de la République dans une interview accordée au quotidien français l'Opinion. "Et pour dépolitiser ce dossier, j'ai même reçu deux fois l'historien Benjamin Stora (qui) a toute mon estime et réalise un travail sérieux avec ses collègues français et algériens sur la base des différentes archives, bien que j'aie déploré que l'on n'aille pas assez au fond des choses", a-t-il souligné. Le président de la République a ensuite laissé entendre que tout devait se passer bien en rappelant avoir établi "une feuille de route ambitieuse" après la visite en août 2022 du président Macron, suivie de celle d'Elisabeth Borne, alors Première ministre, qu'il a qualifiée de "femme compétente connaissant ses dossiers". Cependant, le président algérien reconnaît implicitement n’avoir rien décelé d’amélioration ou d’avancement dans l’attitude retournée de la France officielle. "Mais, plus rien n'avance si ce n'est les relations commerciales", a-t-il fait observer. A cet effet, il a affirmé que "le dialogue politique est quasiment interrompu", évoquant les "déclarations hostiles tous les jours de politiques français, comme celles du député de Nice, Eric Ciotti, ou du membre du Rassemblement national (Jordan Bardella)". Et de poursuivre : "Et ces personnes aspirent un jour à diriger la France. Personnellement, je distingue la majorité des Français de la minorité de ses forces rétrogrades et je n'insulterai jamais votre pays". Dans le même contexte, le président de la République s'est "interrogé sur la manière dont Mme Le Pen va s'y prendre si elle parvient au pouvoir : veut-elle une nouvelle rafle du Vel d'Hiv et parquer tous les Algériens avant de les déporter?». Interrogé sur sa disposition "à reprendre le dialogue à condition qu'il y ait des déclarations politiques fortes", le président de la République a répondu: "Tout à fait. Ce n'est pas à moi de les faire. Pour moi, la République française, c'est d'abord son Président". "Il y a des intellectuels et des hommes politiques que nous respectons en France comme Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Raffarin, Ségolène Royal et Dominique de Villepin, qui a bonne presse dans tout le monde arabe, parce qu'il représente une certaine France qui avait son poids", a-t-il relevé. Il a ajouté qu'"il faut aussi qu'ils puissent s'exprimer. Et ne pas laisser ceux qui se disent journalistes leur couper la parole et les humilier, particulièrement dans les médias de Vincent Bolloré dont la mission quotidienne est de détruire l'image de l'Algérie". "Nous n'avons aucun problème avec les autres médias, qu'ils soient du secteur public ou privé", a assuré le président de la République. Par ailleurs, à une question sur la dénonciation des accords de 1968 de la part de plusieurs politiques français, le président de la République a estimé qu'il s’agit d'"une question de principe". "Je ne peux pas marcher avec toutes les lubies. Pourquoi annuler ce texte qui a été révisé en 1985, 1994 et 2001", s'est-il interrogé. Il a précisé à ce propos, que "certains politiciens prennent le prétexte de la remise en cause des accords pour s'attaquer à ces accords d'Evian qui ont régi nos relations à la fin de la guerre. Ces accords de 1968 sont une coquille vide qui permet le ralliement de tous les extrémistes comme du temps de Pierre Poujade". Interrogé sur "l'influence de l'Algérie à la Grande Mosquée de Paris", le président de la République a expliqué que "l'Etat algérien n'a pas voulu laisser des associations douteuses faire de l'entrisme à la Grande Mosquée et a toujours pris en charge son entretien". Il a rappelé à ce propos, que lorsqu’il était ministre de la Communication et de la Culture, il avait "instauré ces aides (qui) servent notamment à rénover les bâtiments", soulignant que "la France officielle n'a jamais fait d'objection et se rend régulièrement aux invitations du recteur". Il a ajouté dans le même sillage que "la Grande mosquée n'est pas une officine" et que "le recteur actuel, Chems-Eddine Hafiz, a été choisi de manière concertée avec son prédécesseur, Dalil Boubakeur, et l'Etat français". Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a affirmé ne pas avoir l'intention de s'éterniser au pouvoir au terme de son second mandat et qu'il respectera la Constitution, s'engageant à laisser des infrastructures nouvelles, de grands chantiers et une réforme du système politique. "A mon arrivée, il a fallu reconstruire les institutions dans un laps de temps très court. La crise sanitaire a ajouté son lot de difficultés (et) malgré cela, nous avons tenu nos engagements et avons révisé la Constitution", a indiqué le président de la République.


ads