Pour le devoir de mémoire, Isabelle Vaha témoigne à Mostaganem. «Mon père, ce tortionnaire...»

Les 132 ans de colonisation de l’Algérie ont été, souvent, marqués par des actes de barbarie, de tortures et d’atrocités de tous genres. Le peuple algérien, contre vents et marées, s’est reconstruit par ses sacrifices pour sa liberté. Cependant, la mémoire, celle d’un passé chargé de haines et de supplices, rebondit à chaque occasion, pour mettre la lumière sur les réalités d’une histoire au goût amer. Ce jeudi 16 janvier 2025, madame Isabelle Vahaa, en sa qualité d’académicienne de l’Université de Paris, écrivaine historienne chercheuse, a été accueillie à l’Université «Abdelhamid Ibn Badis» de Mostaganem, pour apporter son témoignage sur une enfance frustrée, vécue dans une famille dont le père était un militaire légionnaire et tortionnaire, durant la guerre de libération nationale. Le professeur Brahim Bouderah, recteur de l’Université « Abdelhamid Ibn Badis », conscient du devoir mémoriel, lui a réservé un accueil des plus honorables. Afin de donner à ce témoignage sa propre valeur historique, le professeur a invité tous les cadres, le corps enseignant et les étudiants. Le recteur ayant assimilé le refus de l’oubli, s’est engagé à donner à cet exceptionnel évènement, sa légendaire vérité surtout auprès des jeunes étudiants qui ont assisté à cet empathique témoignage, forgé par des vérités sur un peuple endolori par des agissements de sauvagerie d’une époque à ne pas oublier. Faut-il rappeler que la famille Vaha, habitait aux Sablettes, plage de la ville de Mostaganem, comme beaucoup de familles françaises qui avaient ce privilège de la beauté du site. En bas âge, la fille du père tortionnaire, agitée par la curiosité des activités de ce père, toujours en treillis militaire, découvre que sa fonction était celle de torturer les Algériens. Cette découverte choquante s’est produite, à l’âge de neuf ans quand, poussée par la singularité d’un papa, pas comme les autres, Isabelle trouve des photos d’actes de torture sur les Algériens. C’était dans une boîte à chaussures que la fillette découvrit des dizaines de photos de victimes algériennes qui montrent des scènes de torture et d’assassinat auxquelles son père a activement participé. La fille, ébranlée par une excessive frustration, commence à comprendre des choses «pas catholiques». D’un autre côté, son éducation en famille, orchestrée par une maman fanatiquement xénophobe, lui révéla l’ampleur du drame qu’elle vit. Après avoir déjà apporté son témoignage à l’Université d’Alger, Isabelle Vaha, a souhaité revenir sur sa ville Mostaganem pour mieux graver son témoignage sur les atrocités commises par un paternel tortionnaire. Devant une riche assistance et la presse locale, la chercheuse a parlé de son roman intitulée «La Petite fille de Mostaganem». Un roman paru en juin 2007 et préfacé par le journaliste militant Henri Alleg. Le livre raconte une vraie histoire d’amour qui s’est passée à Mostaganem à la plage des Sablettes, entre un fils de Chahid, l’un des victimes de la guerre d’Algérie et une fille d’un légionnaire tortionnaire de l’armée française. Profondément marquée par cette épouvantable vérité qui a changé sa personnalité, Isabelle, décida, de dévoiler la réalité de cette époque amèrement assimilée. Elle parla du «trauma» à travers ses témoignages car les cicatrices sont latentes et il fallait les manifester. A travers son autobiographie, on comprend l’ampleur de sa souffrance qui cependant, a consolidé son engagement de lutter contre les injustices. Faut-il rappeler, au passage, qu’une étudiante du Département de langue française de l’UMAB a réalisé une thèse de mémoire, sur le roman d’Isabelle Vaha qu’elle a rencontrée, lors à son passage, ce jeudi à l’Université. Ce qui a ajouté de l’émotion à la rencontre même si elle a été émouvante tout le long de ses témoignages. Enfin, l’autre fait très marquant sur cette historienne, à son accueil, c’est d’avoir été envahie par une rare émotion qui l’a faite pleurée à l’écoute de l’hymne national algérien.


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