Quand faire son marché devient un luxe
Par Y.Zahachi
L’analyse de la flambée des prix à Mostaganem explique les causes possibles du producteur au consommateur et appelle les pouvoirs publics à agir. À Mostaganem, les courses quotidiennes pèsent de plus en plus lourd sur le porte-monnaie des familles. Les témoignages des ménagères et des pères de famille se recoupent : certains produits de première nécessité ont connu des envolées ponctuelles ou persistantes qui fragilisent les ménages à faibles revenus. Les hausses concernent tant les produits locaux (fruits de saison, légumes, œufs) que les produits de la mer et les viandes. Ces tensions se lisent dans les marchés de la ville et se confirment par les relevés publics et les enquêtes de presse. Sur le terrain, des chiffres qui brûlent le panier et des scènes reviennent: des cagettes de fruits de saison vendues à 400–500 DA le kilo; la sardine, poisson de consommation courante, affichant des prix qui ont oscillé, selon les moments et les points de vente, de quelques centaines à plus de mille dinars le kilo selon la disponibilité et le circuit de commercialisation. Des titres locaux ont rapporté des variations rapides et des épisodes d’accès limité à la sardine pour les ménages modestes. L’ail sec, produit clé en cuisine, a montré des variabilités notables: des relevés régionaux font apparaître des fourchettes larges, ce qui rend son prix parfois prohibitif pour les familles. Autre signal d’alarme: la baisse de l’accessibilité des protéines animales. Les viandes rouges sont pour beaucoup inaccessibles; la volaille et les abats restent relativement chers et le foie figure souvent parmi les produits les plus onéreux par portion. Ces évolutions se font sentir sur le budget alimentaire. Les statistiques nationales montrent par ailleurs que même si l’inflation alimentaire globale peut fluctuer, des hausses ponctuelles fortement ressenties par les ménages subsistent. Enfin, cas particulièrement énervant pour le consommateur: le prix de l’œuf. Alors que des chiffres officiels donnent des prix moyens bien plus bas, des ventes au détail et des marchés informels ont relayé des prix unitaires grimpant parfois jusqu’à ~25 DA l’unité, voire des cas extrêmes rapportés en boutique/vente locale atteignant 300 DA l’unité pour de gros œufs, pratique anecdotique mais symptomatique d’un dysfonctionnement entre offre, tri et distribution. Ces écarts traduisent l’existence de circuits parallèles, d’opérations spéculatives ou de ruptures locales d’approvisionnement. Mostaganem vit aujourd’hui le double visage d’une ville où abondent produits et marchés et d’un territoire où la volatilité des prix fragilise les foyers modestes. Les hausses spectaculaires observées sur des produits de base (fruits saisonniers, sardine, ail, œufs, viandes) sont l’effet combiné d’un déficit d’offre ponctuel, de coûts logistiques élevés, d’intermédiaires multiplicateurs et d’insuffisances de régulation.
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Les repères historiques de la ville
Par Y.Benguettat
Avant de parler des remparts de la ville de Mostaganem, nous allons donner d’abord un éclairage de la ville, de son lieu géographique ancien et le choix de sa position géographique actuelle. Pourquoi avoir opté pour l’enfermement de Mostaganem avec ces fameux remparts et en créant 05 portes d’entrée et de sortie dont certaines parties existent jusqu’à ce jour?
Maintenant, remontons le temps et donnons une explication selon les documents existants. «C’est sous le règne de Galien, entre 253 et 268? que l’Afrique septentrionale fut désolée par d’effroyables tremblements de terre; un grand nombre de villes du littoral fut submergé. Peut-être faut-il attribuer à ces catastrophes, l’aspect abrupt de la côte de Mostaganem qui effectivement semble conserver les traces d’un affreux bouleversement. Sans doute alors une partie du rivage, et avec elle le port romain de Murustaga, Mostaganem, furent engloutis par la Méditerranée ». Depuis cette époque, personne ne sait exactement où se situe cette ville. L’actuelle vieille ville de Mostaganem que nous connaissons, est Tobbana, Matemore. Quant à Tigditt l’ancienne, c’est en 1832 quelle a été bombardée, réduite totalement en poussière par le fameux caïd Ibrahim, mercenaire de l’époque turque et enrôlé par les Français entre 1830 et 1833.Le site qui n’offrait pas les mêmes garanties sur le plan militaire, a été reconstruit pendant la période coloniale vers les années 1900. Donc, il reste sur le site deux repères historiques visibles: Tobbana avec son extension sur le Derb el houd et Qria. Concernant Matemore, cette ville a été construite ainsi que son fort appelé bordj et tork (fort de l’Est) cela, au temps de Hamid El Abd, chef de la confédération des Mehal, entre 1517 et 1545, mort en 1545 et enterré sur les lieux mêmes. Le décor étant planté, en nous intéressant à son aspect physique d’ancienne ville, nous constatons quelle est bâtie à flanc de montagne et entourée par des falaises dépassant les 30 mètres de hauteur, défendue par le fort Bordj Mehal, ensuite il faut ajouter, la ville de Matemore qui se situe plus en hauteur sur une butte. L’ensemble a constitué des postes militaires stratégiques, protégés naturellement par des falaises abruptes et militairement contre les attaques qui pouvaient venir par mer et les alentours de Tigditt. L’occupant français ayant subi des attaques répétées par l’Emir Abdelkader en 1833 et bien après en 1834. Pour l’anecdote, le chef de bataillon Pelissier a trouvé la mort à cette période et a été inhumé à Matemore, motif invoqué mort du choléra. La destruction totale de ce site a laissé place à la construction de bâtiments militaires du génie. Seul est resté le fort de l’Est qui a été aussi garni comme poste de défense. C’est en 1841 que fut décidé de construire des remparts tout autour de Mostaganem, en créant 05 portes qui sont la porte des Medjahers, la porte de Mascara, la porte d’Arzew, la porte de la Marine, la porte Bab Arssa (fort de l’Est). Il reste encore jusqu’à aujourd’hui des parties de ces remparts à travers la ville. Les anciens remparts qui existaient avant la colonisation française datant de l’époque de Hamid El Abd et bien avant ont été rasés.
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«Kbir Eddouar, au-delà d’une tradition relais du pouvoir colonial»
(3ème partie)
Par H.Med Soltane
- Kabylie : Le Négociateur du Village
En Kabylie, la structure traditionnelle du village reposait sur la Jemaâ (assemblée des hommes libres). Même si le Cheikh (l'équivalent du KbirEddouar) était nommé par le Caïd/Administrateur, il devait souvent négocier avec la Jemaâ ou être issu d'une lignée reconnue pour asseoir sa légitimité. Son rôle incluait le maintien des coutumes (orf) que les Français utilisaient pour différencier et mieux contrôler les Kabyles des Arabes. Le Cheikh était confronté à une pression sociale plus forte de la part de sa communauté.
- Le Sud: Le Chef Fédérateur.
Dans les Territoires du Sud, le contrôle s'exerçait sur des populations souvent nomades ou semi-nomades, sur de très vastes étendues. Le rôle du Cheikh/Caïd de base était de gérer la tribu ou la fraction dans un environnement où la propriété collective était souvent conservée. Son autorité était cruciale pour la gestion des puits, des oasis et des itinéraires de transhumance. Les Bachaghas et Aghas qui les dirigeaient, étaient de véritables potentats locaux, avec une influence économique et militaire considérable, car leur survie dépendait de leur fidélité à l'autorité militaire française. En conclusion, si la fonction du KbirEddouar/Cheikh était partout de servir de lien subalterne entre le colonisateur et l'indigène, sa légitimité, son domaine d'action et l'impact de sa collaboration variaient profondément selon la nature des structures sociales traditionnelles et le degré de pénétration de la colonisation foncière (très forte à Mostaganem, plus faible dans les montagnes et le Sud). C'est un sujet fondamental et très pertinent pour comprendre l'histoire de la région de Mostaganem. La fonction de KbirEddouar est indissociable du mode de vie rural sous l'administration coloniale. Comme évoqué, le KbirEddouar était le chef désigné ou reconnu au niveau du Douar (unité administrative et territoriale de base de la société rurale indigène), agissant comme un agent subalterne dans la hiérarchie dominée par l'Administrateur français de la Commune Mixte et le Caïd.
- Rôle du KbirEddouar dans le Mode de Vie de la Ruralité à Mostaganem :Le rôle du KbirEddouar était intrinsèquement lié à l'écrasement massif de la société rurale et à la dépossession foncière qui ont caractérisé la colonisation dans les plaines agricoles de l'Oranie dont fait partie Mostaganem.
- Agent de la Dislocation Économique: Fiscalité Coloniale: La fonction la plus lourde du KbirEddouar était la perception de l'impôt (impôts français et l'impôt dit "arabe" qui étouffait économiquement les populations). Il était chargé de l'identification des contribuables et du recouvrement des redevances, y compris les amendes et les pénalités. Cette pression fiscale forcée sur des terres de moindre qualité, après l'accaparement des meilleures plaines par la colonisation européenne (viticulture, céréales), a conduit à la paupérisation et à la marginalisation des paysans du douar.
Contrôle Foncier: Il participait aux enquêtes sur les terres et aux recensements des biens. Cela le plaçait au cœur du processus de désagrégation du régime foncier collectif et tribal, préparant le terrain pour de nouvelles vagues de séquestres et d'expropriations en faveur des colons ou des grandes sociétés.
- Agent du Contrôle Social et Politique: La Tâche de Renseignement: Le KbirEddouar était une source d'informations pour le Caïd et l'Administrateur. Il était censé signaler les troubles, les mouvements de population, les agitateurs potentiels et l'état d'esprit des habitants. Cette tâche faisait de lui un instrument de surveillance et de répression au sein même de sa communauté. Application du Code de l'Indigénat: Il aidait à l'application des règles discriminatoires du Code de l'Indigénat qui permettait aux autorités coloniales d'infliger des peines (amendes, prison) sans jugement ni avocat, renforçant la tyrannie locale et l'absence de droits pour les populations du douar. État Civil: La création forcée d'un état civil "étranger" (loi de 1882), visant à individualiser les personnes pour mieux les assujettir à l'impôt et à la circonscription militaire, était mise en œuvre par ces chefferies locales, transformant l'identité familiale et les patronymes.



