Kabylie. Les villages en fête

Alors que le mois d’août touche à sa fin, la Kabylie revêt ses habits de fête. Les villages s’animent et renouent avec leurs traditions collectives, transformant cette période estivale en véritable saison de retrouvailles. La région ouvre le bal avec la Fête du bijou d’Aït Yenni, vitrine emblématique d’un savoir-faire ancestral, transmis depuis des générations. Quelques jours plus tard, c’est au tour du village d’Ahrik, perché sur les hauteurs de Bouzeguène, d’accueillir le Festival de l’abeille et du miel, attirant artisans, apiculteurs et visiteurs dans une ambiance conviviale et musicale. Dans la wilaya de Béjaïa, les mêmes scènes d’effervescence se répètent dans les villages qui deviennent de véritables théâtres à ciel ouvert avec expositions, chants traditionnels et dégustations et ce, à l‘occasion aussi des hommages rendus aux élèves et étudiants lors de cérémonies de remise de prix, ponctuées de youyous et de rythmes de flûte. Plusieurs localités célèbrent également la fin de l’été à travers de grandes Waâdas, ces repas collectifs à base de couscous, préparés et partagés par toute la communauté. Souvent associées à une Ziyara (visite d’un lieu saint), ces célébrations réaffirment les valeurs de solidarité, de spiritualité et de transmission. À l’origine, ces fêtes permettaient de ressouder les liens des familles autour de la mémoire du village. Aujourd’hui encore, elles attirent de nombreux émigrés, venus spécialement d’Europe et d’ailleurs pour se ressourcer. « C’est le seul moment de l’année où tout le monde est là», confie Lahlou, installé à Paris, venus passer quelques jours dans son village natal perché sur les hauteurs de la vallée de la Soummam. À quelques jours du 20 août, la commune d’Ouzellaguen, haut lieu de mémoire nationale, s’anime pour commémorer le 69? anniversaire du Congrès de la Soummam. Ce rendez-vous historique qui s’était tenu en août 1956 dans le village d’Ifri, demeure un moment charnière de la Révolution algérienne où furent adoptées des résolutions déterminantes pour l’organisation politique et militaire de la lutte de libération. Cette année, la célébration revêt une dimension particulière avec l’organisation de la préparation de l’édition du Festival OUZ’ART, portée par le Comité local du Croissant Rouge Algérien (CRA) d’Ouzellaguen. Ce nouvel événement culturel, pensé comme un espace d’expression et de créativité, mettra en lumière les talents artistiques locaux à travers des expositions, des ateliers, des représentations musicales et théâtrales ainsi que des activités ludiques pour la jeunesse. En parallèle, le programme officiel des commémorations prévoit, comme chaque année, des cérémonies de recueillement au cimetière des martyrs, des dépôts de gerbe au mémorial d’Ifri et des allocutions retraçant l’héritage du Congrès. La société civile a été mobilisée pour accueillir visiteurs et délégations, venus de toute la région, dans un esprit à la fois solennel et festif. À travers cette double initiative — hommage historique et ouverture culturelle — Ouzellaguen affirme une fois encore son attachement à la mémoire collective, tout en encourageant le dialogue intergénérationnel. Comme chaque année, la journée du 20 août fera du village d’Ifri, le lieu de convergence des anciens moudjahidine, des officiels, des associations et de nombreux citoyens. Tous viendront s’y recueillir, commémorer le sacrifice des martyrs et rappeler la portée historique des décisions prises en ce lieu devenu symbole de la libération nationale. Cette période de commémoration souligne le rôle majeur de la mémoire historique dans la société kabyle. Au-delà des festivités, la région rappelle que son identité est autant faite de célébrations que de souvenirs partagés et de transmission des valeurs de la lutte. Dans le même temps, les touristes continuent d’affluer vers Béjaïa. En cette saison estivale, l’ancienne capitale des Hammadides ne désemplit pas. Entre mer scintillante, montagne verdoyante et patrimoine millénaire, la ville offre une immersion authentique au cœur d’un territoire où nature et mémoire se conjuguent avec harmonie. Les visiteurs commencent souvent leur parcours par la Casbah de Béjaïa, citadelle du XII? siècle qui domine le port. Dans ses ruelles, l’écho des dynasties passées se mêle aux voix contemporaines. Non loin de là, Bab el Bahr, érigée au XI?siècle, rappelle l’ouverture historique de la ville sur la Méditerranée. Quant à la mosquée «Ibn Khaldoun», elle témoigne du rôle spirituel et intellectuel qu’a joué Béjaïa dans l’histoire du Maghreb. Après restauration, le fort Gouraya est redevenu l’un des sites les plus visités du pays. Perché au cœur du Parc national de Gouraya, il attire des milliers de curieux et de pèlerins venus admirer la vue, se recueillir au mausolée de Yemma Gouraya ou simplement respirer dans un milieu naturel d’exception. Avec ses 18.000 espèces, son lac Mezaïa, ses falaises et ses sentiers, le parc est un véritable laboratoire à ciel ouvert. Mais il est aujourd’hui fragilisé par la pression urbaine, les feux et les déchets, alertent les conservateurs. Dans la ville, la place du 1?? Novembre bat son plein dès le matin, tandis qu’en soirée, la promenade de la Brise de mer devient un lieu de détente et de convivialité. Familles, jeunes couples et touristes s’y pressent pour partager un thé, écouter un musicien local ou contempler le coucher du soleil. Héritière d’une culture amazighe millénaire, Béjaïa n’est pas une ville que l’on visite simplement: c’est une ville que l’on ressent. Chaque pierre, chaque sentier, chaque regard murmurent aux visiteurs un fragment d’histoire, une émotion ou un souvenir. En septembre, la Kabylie s’apprête à vivre une dernière grande étape de son cycle estival avec la traditionnelle fête de la figue, organisée dans plusieurs villages de la région. Dégustations, marchés du terroir et animations culturelles viendront prolonger l’ambiance conviviale des semaines précédentes. Après les fêtes du bijou, du miel, les waâdas et les commémorations du 20 août, cette fête clôturera une saison riche en traditions, en mémoire et en fraternité.


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