Fête de l'indépendance à Mostaganem. «El Kariel» en a aussi payé le prix

En cette majestueuse occasion du 63ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, la mémoire collective interpelle tout un chacun et se focalise sur les grands sacrifices du faubourg ’’El Kariel’’, partie basse de la vieille ville. Situé sur la rive de l’Oued Ain Sefra, sur le bas Tigditt, ce quartier, de par la complexité de sa géographie, a abrité, durant l’époque post indépendance, toute l’organisation de la résistance urbaine. Aujourd’hui et par devoir de mémoire, l’occasion de la fête de la libération du pays du joug colonial nous renvoie vers ce faubourg du bas Tigditt, pour un témoignage qui est celui d’un quartier martyr. Là-bas, dans la crevasse, dominée par le quartier européen de l’avenue Raynal, ce faubourg, nommé ‘Les carrières’’ devenu ‘’Kariel’’ car avant sa construction dans les années quarante du siècle dernier et de par la complexité de sa géographie, a abrité, durant l’époque post indépendance, toute l’organisation de la résistance urbaine soit l’organe fidayine de l’ALN. Suite à l’annonce du cessez-le-feu, un 19 mars 1962, «El Kariel», fief des fidayines, a accueilli la nouvelle avec une exaltation propagée comme pour se débarrasser d’une douleur chronique. « El Kariel » a, durant les dernières années de la guerre de libération, joué un rôle historique non encore évoqué. Ce faubourg, maltraité par la nature, séparé par les vergers de Pascual l’espagnol, a subi non seulement une répression féroce par l’occupant mais aussi des représailles inhumaines d’actes assassinats. Le 63ème anniversaire de l’indépendance rappelle, encore et toujours, que «El Kariel» fut une véritable cible meurtrière de l’organisation terroriste OAS. Les habitants de cette cité de Tigditt, les «indigènes» qui y vivaient, se souviennent parmi toutes, les souffrances de l’époque. Des familles entières, pourchassées par la peur et la terreur de l’Organisation Armée Secrète, ont trouvé le gîte par solidarité, s’épargnant ainsi une mort certaine. Une solidarité préconisée par le FLN pour faire face à la rage de ceux qui voulaient l’Algérie française. Ce faubourg indigène, comme le prénommaient les colons français, a donné cher de ses enfants. Les Benchohra, les Oukref Mohamed, les Hattab Tahar, les Benallou Benaouda, les Benkhedda Abdelkader, les Bensaadoune Habib, les Benayed Bendehibales Naboussi, Abdelkader Niguiss, Bessikri Mohamed, les Benchohra Touati (dit Goubi), Aek Bessekouma, les Ould Maamar etc… sont les familles ayant souffert les cruels assassinats de leurs enfants par l’armée française mais aussi par des groupes terroristes de l’OAS. Pour la liberté, El Kariel a aussi mobilisé des moudjahidines ayant combattu l’ennemi. Les Hattab Khrofa, les Benchaa Sayah, Benaissa Benfichouh, Belmiloud Benchaaa, Tria Abdelmalek, Benkedadra Harrag, Belgharbi Med, Belkacem Benyamina, Belkacem Benfichouh, Boudebza El Hakem, Kassous Mohamed, Belkacem Beneman, Hadj Adda Touati et la liste est encore longue. Dans les labyrinthes s’organisaient les Mekhbates (cachettes) pour les liaisons, le financement, la solidarité et le militantisme. Face à la vague d’assassinats perpétrés par les membres de l’OAS, El Kariel faisait souffler le vent de la liberté par le courage et la détermination de sa population. Certains habitants ont utilisé leurs puits comme caches pour les fidayines et les armes. Dans les marabouts de Sidi Afif, Sidi Abdelkader, Sidi Bessenouci et autres, les Mkadems et les cheikhs des écoles coraniques ont parfaitement joué le rôle d’agents de liaison et de renseignements comme ils ont contribué pleinement à faire croître la propagande de l’Algérie algérienne. Les vendeurs ambulants de l’époque et les ramasseurs de déchets à dos d’ânes étaient des pourvoyeurs d’armes. En réponse à l’appel du FLN, même des enfants ont eu pour rôle de surveiller les agissements de l’ennemi. A l’approche de la fin de la guerre et face à une situation politique assez complexe, le FLN devait prendre les choses en main dans le quartier, afin de protéger les populations vulnérables. Certes, juste en face des postes de commandement de l’OAS, séparés par l’Oued Ain Sefra, les vergers Pascual, des Bessekouma, des Benchendikh et de Bouhella se constituent en fronts des fidayines contre la menace des terroristes pro-Algérie française. Afin d’élargir la vigilance, le FLN organisait des comités en zonant le quartier. Des comités dans chacune des rues, veillant la nuit dans des baraques érigées en tourelles sur les terrasses des demeures pour prévenir les incursions des éléments de l’OAS. En face, sur la façade ouest de l’avenue Raynal, des Français, des Espagnols, des Corses et des Italiens, endoctrinés par les messages de haine du général Salan et de Guy Mollet, tiraient à vue sur les Musulmans d’en bas. Poussant l’horreur à fond, ces fanatiques avaient même dressé des mortiers sur la falaise de l’Avenue Raynal comme menace. Durant la journée, en présence de la menace de mort, El Kariel se paralysait, pas âme ne circulait. Les attaques de l’OAS étaient imprévisibles et chaque jour, on endeuillait le quartier par la mort d’un Musulman. Par conséquent, les funérailles se faisaient dans la discrétion, évitant ainsi tout attroupement. Ces fanatiques de l’Algérie française d’en face narguaient les Musulmans durant toute la journée, par de la propagande sonore et à travers les cerfs-volants géants en «bleu-blanc-rouge». Les Algériens, à leur tour, leur répondaient avec des cerfs-volants de fortune, vert rouge et blanc, cousus dans la précipitation, en scandant ’’A bas Salan, A bas Guy Mollet’’ … ‘’Salan au poteau’’, avec les bruits incessants des casseroles, des «Tahya El Djazair» et des youyous aigus et porteurs d’espoir. Les jeunes du Kariel, et malgré la menace, bravaient le danger, utilisant des lance-pierres, en faisant des incursions nocturnes dans le quartier des Européens. L’armée française, de par les territoriaux, semblait être dépassée par les évènements. La force locale, installée à l’école des tapis pour s’interposer, était restée à l’expectative. Les évènements s’accéléraient et les mouvements incessants des fidayines dans le quartier donnaient aux habitants un espoir de plus en plus certain. Les murs du quartier gardent, jusqu’à ce jour, les stigmates des balles et de l’horreur vécue.

En goudron des graffitis de «Vive FLN… Vive GPRA…» sont encore sur les murs du quartier martyr «El Kariel».La veille du 5 juillet 1962, ce faubourg a eu le mérite d’abriter majestueusement la première fête de l’Indépendance à Mostaganem.


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