A Mostaganem, pour les besoins en eau potable des populations des quartiers populeux de l’époque, l’administration française avait implanté systématiquement des fontaines publiques. L’ensemble des habitants de ce faubourg, à forte densité de population musulmane par rapport aux quartiers européens, n’étaient pas branchés en eau courante dans les domiciles. Le branchement en eau potable, dans tout le tissu urbain de Tigditt, était inexistant. D’ailleurs, l’électricité non plus. Rares étaient les demeures qui avaient un puits au centre de la cour parce que sa réalisation était plutôt coûteuse. A Tigditt notamment, la fontaine publique était la seule source d’eau avec laquelle s’alimentaient les citoyens de cette vieille ville. L’implantation de ces sources a fait l’objet d’une étude car les fontaines se distribuaient selon des critères. Le critère de la densité de la population et surtout celui de la pente dans le quartier. Afin d’assurer l’eau en continu, on implantait les fontaines en fonte, sur une pente de plus de 08 degrés au moins, espacées de plus 500 mètres les unes des autres. L’implantation des fontaines publiques en général se faisait sur les axes centraux, garantissant ainsi la proximité à tous les usagers. C’est ainsi que sur la rue 16, Sidi Boumhouel, Sidi Bessenouci, El Maksar, Ech3ambi, Zaouya, la rue 55, la rue 28, Bessikri, Medderssa, Kaddouss El Meddah, Khrabcha, on y implantait des fontaines en fonte fabriquées par l’usine de forge Vidal et les fonderies Ducros. C’est en faisant la chaîne, matin et soir au pied de la source que les habitants s’approvisionnaient en eau potable. Avec des bidons en métal galvanisé et des cerceaux, ils pouvaient faire des allers-retours pour remplir les fûts alignés dans la cour de la demeure. A cette époque, les familles qui ne voulaient pas de cette besogne ou celles qui n’avaient pas une progéniture disponible, engageaient »El Mellayate ». Ces femmes, très matinales, s’occupaient de l’approvisionnement en eau potable des familles vivant dans la zone de la fontaine la plus proche. Afin d’alléger le poids des bidons d’eau en métal, elles utilisaient des cerceaux qui n’étaient que des vieilles jantes de bicyclettes. L’astuce leur réussissait convenablement. Faut-il signaler que ces femmes, telles que El 3ekermya, Beryouka, Aicha el Mellaya et Zohra El flitia étaient les concurrentes de quelques hommes qui eux aussi s’adonnaient à cette besogne. Laminèche et Bassiste en étaient des exemples masculins qui faisaient la concurrence au genre dans cette »profession ». Dans les quartiers, ces équipes de »Mellayate » étaient aussi contractées pour d’autres tâches saisonnières. Le lavage, le séchage et le cardage de la laine, celui des céréales et la conservation de la tomate étaient des tâches auxquelles participaient ces bonnes femmes. Aussi faut-il rappeler que les conditions de vie des familles de la vieille ville, à Mostaganem, étaient éprouvantes. C’est ainsi que des occupations plus ou moins rémunérées sont nées. Le matelasseur, l’arrangeur de tamis, le soudeur, le réparateur de soufflets, le réparateur de machines à brûler, le »biday » tailleur pour djellaba, la voyante, l’arracheur de dents, le »berrah » le »mountchou » du bain maure, la »tayaba » du bain maure pour femme, la marieuse, la pleureuse etc….faisaient, en quelque sorte, les professions de l’époque dont la modernité a tout à fait disparu d’un ancestral mode de vie.
