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Ragots ravageurs et blanchiment d’argent. Chronique d’une ville «martyre»

Comme partout ailleurs dans le pays, les temps ont changé et Saida n’est plus la même. Elle n’a plus la même physionomie ni les mêmes habitudes, elle n’a plus aussi la même mentalité. Les vernis du modernisme-trompeur s’estompent aux premiers accrocs. Les esprits sont encombrés de barricades de préjugés. Autrefois, fief incontesté et incontestable des Intellos de gauche, Saida est devenue la ville de tous les ragots-ravageurs. Le riche et le pauvre se rencontrent quotidiennement, l’Eternel a créé l’un comme l’autre. On y trouve le Dévot et le Tartuffe. L’honnête homme et son contraire, le repenti et sa victime, le syndicaliste et son exploiteur, le retraité et le chômeur maltraité par le mur auquel il s’adosse. Le responsable qui vient faire son apprentissage. Les mouches bleues remplissant quotidiennement les cafés de la place publique, les nouveaux Ayatollahs qui vaille que vaille « jouent » religieusement leur rôle avec leurs paroles « mielleuses », la magie noire en vogue. Quoique réunis par groupes d’affinités, leur sujet de discussion reste le même: critiques et dénigrements et il y a ceux qui se contentent d’écouter, l’absent qui a toujours tort, nourrit la discussion. Quand par miracle, il apparaît, les langues fourchues distillant leur venin deviennent mielleuses à souhait. On flatte son ego et comme tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, certains sujets laissent des plumes en payant une tournée de café et autres boissons ou encore en accordant un prêt à un dénigreur insolvable. Plus loin, d’autres groupes font des affaires, là, il est toujours question de  » 10 pour cent ». Les rares Saidis qui gardaient quelques illusions sur une hypothétique moralisation de la vie publique, en resteront pour leurs frais. La médiocrité érigée en système de gestion aura eu raison des espoirs les plus têtus. Dans les endroits publics ou dans les cafés-mouroirs: le wali, le chef de daïra, le maire et ses élus sont passés au scanner. Chacun de leurs faits et gestes est étudié au microscope et curieusement chez nos libres-penseurs, aucun ne trouve grâce à leurs yeux. Quand l’intégrisme miroita l’Eden, l’illusion fait de ravages et de comportements étrangers à la société firent leur apparition avec un exode rural massif. Le laxisme des autorités de cette époque y était pour quelque chose dans la gestion de cette exode rural au point où la récession économique a frappé de plein fouet la région de Saida où le tissu industriel a été complètement disloqué par la fermeture des entreprises locales qui ont jeté dans la rue des bataillons d’ouvriers. On avance le chiffre de 28.000 travailleurs au chômage. Quelques usines furent achetées telles l’entreprise des eaux minérales ou les briqueteries qui fonctionnent encore. La crise de logement a provoqué plus de révoltes populaires et cela continue encore de nos jours. Nous sommes en 2021 et nos citoyens sont toujours hantés par la folle illusion de vaincre le destin maudit. Les Saidis de souche, enfin le peu qui reste, continuent toujours à penser que leurs vies sont confisquées. Par qui, dirait l’un. Par ces pseudo-saidis qui ont fait main basse sur tous les secteurs de l’administration locale et par les clans et les faux clans qui étouffent Saïda. Quel préambule à une vie faite de suicides, de mendiants, de malades mentaux et de pseudo-entrepreneurs peu recommandables. A Saida, vivre vite et mourir jeune, en faisant un beau cadavre, devient un « Greaal » et ce n’est pas demain la veille car la crise de sauvagerie, encouragée par la crise sanitaire dans laquelle Saida comme tant d’autres villes du pays, est entrée dans l’antagonisme. Et l’âme cabossée d’une ville déchirée par les luttes tribales tempêtera longtemps sur les crânes. Mais par la faute de qui? Par la faute de ses enfants qui ont pris l’habitude de se coller des fausses étiquettes gratuitement. Comment expliquer qu’une vérité n’a rien à voir avec un mensonge et qu’un terroriste de bureau est plus dangereux qu’un terroriste qui court toujours. Que dire de ce correspondant qui se laisse manipuler? Que dire de cet élu sorti de l’anonymat grâce à une bénédiction électorale qui, une fois installé sur le trône, se dépêche d’aller voir le taleb-sorcier du coin pour se protéger du mauvais oeil. Dans la rue, on y voit des jeunes à l’humeur agressive, la tête dans les nuages par effet de psychotropes, l’hallucination prenant possession d’eux, des jeunes accoutrés. Ils viennent dans des bus n’ayant de nom que l’appellation. Des bus rouillés, surannés et qui roulent toujours en dépit de leur âge avancé et si vous y accédez, une cacophonie abasourdissante vous transperce les tympans. Le respect et la courtoisie sont tombés en désuétude. Si en quelques mots, nous voulions décrire l’abattage clandestin qui sévit en ville, nous dirions sans hésitation que ce phénomène est en nette progression et là, ce n’est qu’un épisode d’un feuilleton prolongé témoignant du calvaire que vivent les Saidis qui constatent que leur Saida est devenue une ville isolée de l’Algérie officielle. Et quiconque entend se rendre dans n’importe quel service administratif doit s’armer de patience et doit jouir d’une imagination pour s’évader dans un autre monde et ne pas regarder autour de soi, en attendant d’être servi. En somme, c’est ainsi que se présente aujourd’hui Saida et en aucun cas, il n’a été question d’amplifier la réalité ni de travestir la vérité d’une ville qui ne cesse de s’enfoncer dans le chaos et la folie généralisée. Actuellement, l’endroit le plus fréquenté est le cimetière où les gens de tous âges se rencontrent pour rendre hommage à leurs morts. C’est une image symbole d’une ville gagnée par le pessimisme tant il est vrai que rien de concret ne se profile à l’horizon… Allez Saha Ramadankoum !

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