Par Adnan H.
«Ce qui abrutit le peuple, ce n’est pas le défaut d’instruction, mais la croyance en l’infériorité de son intelligence ». Et ce qui abrutit les « inférieurs », abrutit du même coup les « supérieurs» (Jacques Rancière, le maître ignorant). Il va sans dire que le hirak enclenché depuis plus d’une année, n’a cessé de façonner l’imaginaire des Algériens d’une part et le monde d’autre part. Le caractère intrinsèque de la mobilisation citoyenne rassure et protège la dynamique «silmya» par une éthique humanisante qui appelle de ses vœux le dépassement de la violence dévastatrice et trouve son origine dans la pulsion de mort. En effet, par le biais de l’édifice d’iniquité qui a perverti l’indépendance, l’émergence du hirak comme mouvement salvateur s’est enracinée pour lutter contre la flânerie psychique qui avait associé dans son sillage, la «servitude volontaire». Pour le dire autrement, le conformisme s’est généralisé par le souhait passif de la vacuité des sens. Malgré l’indignation pacifiste qui donne la clef de l’exemplarité hautement éthique, le déchaînement maléfique de l’hégémonie se convainc quotidiennement par la persécution afin de contraindre le citoyen à se résigner. Les pratiques d’un pouvoir agonisant mais fort résistant ne cessent de représenter une conception périmée qui se ressuscite sous le joug de la pente totalitaire, en essayant de chosifier le lien social par la tyrannie de l’incompétence et la négation du conflit, ce qui explique ses symptômes névrotiques. En d’autres termes, pour paraphraser la philosophe Hannah Arendt «c’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal». Devant le mal être qui n’est point une tempête passagère, mais une fugacité permanente, au fil des ans, la socialité anomique se rattache aux vicissitudes de l’immolation et de la harga. Devant le lien social qui se lézarde, la raison organisatrice du couvercle de la marmite ne pouvait qu’exploser en donnant libre cours à un épanchement citoyen. Derrière l’apparent chaos édicté par la junte qui a accaparé le pouvoir, le hirak pourvu de prémices de gymnastique mentale s’est efforcé d’élargir la socialisation de la révolte en partant en croisade contre la tyrannie des pratiques du parti unique qui ne continuait de subir un lifting idéologique jusqu’à l’histoire du cadre voulant remplacer la personne physique du président déchu qui charrie sa bêtise et son infantilisme. Pour comprendre l’opacité de la tyrannie ambiante, le hirak comme existence humaine avait le souhait de surimposer la dimension conflictuelle sans pouvoir la nommer; les slogans mis en avant chaque vendredi nous font saisir une mer transgressive au plus profond de chaque militant en herbe. Au fil des manifestations, la liberté d’expression est une énergie pratique et le hirakiste porte en lui les grandes œuvres d’une société décente. En un mot, la passion ou le réveil qui conscientise la liberté d’expression, malgré la répression qui s’abat sur les militants et les journalistes, pourra être édificatrice pour tenir en haleine l’énergie du vouloir le changement socio politique. Le hirak, dominé par l’avalanche chaotique du coronavirus, nous permet de saisir la complexité de la réalité sociale. En faisant une introspection, nous pénétrons dans le monde de l’intersubjectivité, l’esprit critique doit être une arme préférentielle qui devra renverser l’autosuffisance et l’idéalisation qui se figent sous l’auspice de l’infantilisme.