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Massacres du 8 Mai 1945. Crime contre l’humanité !

Il y a 76 ans, jour pour jour, la France fêtait sa victoire sur le nazisme, en Algérie c’est une autre page qui s’ouvre ce jour-là. Pour beaucoup d’historiens, c’est justement le 8 mai 1945 que la guerre d’Algérie a débuté avec le massacre de plus de 45 000 chahid. Un crime contre l’humanité qui hante, à ce jour, la France des droits de l’homme. Le 8 mai 1945, fraîchement libérée, la France réaffirme dans le sang sa domination coloniale en Algérie en commettant, au nom de la République Française, l’un des plus atroces massacres coloniaux dans l’histoire de l’humanité. Le 8 mai 1945, le peuple français fêtait l’armistice, la paix retrouvée et la victoire sur le nazisme. Pendant qu’on fêtait la victoire arraché avec l’aide des Algériens engagé pour libérer la France, en Algérie on les AML et le PPA rappelaient justement à cette France et ses alliés les revendications nationalistes par des manifestations pacifiques. Les responsables du mouvement national n’avaient donné aucun ordre en vue d’une insurrection, au contraire il est insisté sur le caractère strictement pacifique de la manifestation. Les Algériens n’avaient pas manifesté pour célébrer la fin de la deuxième guerre mondiale, mais pour réclamer l’indépendance, une promesse faite avant la fin de la 2e guerre mondiale et la victoire des alliés sur le nazisme. Ce jour là, des pancartes apparaissent où sont réclamés clairement l’Indépendance de l’Algérie, un drapeau sort, pour la première fois, et qui sera par la suite celui de l’Algérie. La réaction de la France face à ces manifestations pacifiques a été des plus violente. Les manifestations pacifiques ont été réprimée dans le sang par les forces coloniales au nom de la France libre qui venait d’y faire ses premiers accrocs face à une population farouchement déterminée à se promouvoir aux nobles idéaux de paix et d’indépendance. Le jeune porte-drapeau Chaâl Bouzid, a été abattu dans la rue de la ville Sétif, c’est la première victime innocente qui inaugure la longue liste des martyrs de cet événement historique. Oui, on venait de tirer sur un jeune scout qui n’avait entre ses mains qu’un drapeau ! « Il gisait mourant par-devant le terrain qui sert actuellement d’assiette foncière au siège de la wilaya. Nous l’avons transporté jusqu’au docteur Mostefaï… et puis… l’émotion l’étouffe et l’empêche de continuer», rapportent les témoins présents sur place. L’émeute et son cortège d’exactions meurtrières se propagèrent dans toute la région de l’Est Algérien, déclenchant durant plusieurs mois une répression implacable et aveugle des forces de l’ordre secondées par des milices formées par des colons. « De Sétif, la répression sanglante s’est généralisée. Elle allait toucher tout le pays durant tout le mois de mai. L’Algérie s’embrasait sous les feux brûlants du printemps 1945. Le général Weiss, chef de la cinquième région aérienne, avait ordonné le 13 mai le bombardement de tous les rassemblements des indigènes sur les routes et à proximité des villages », rapportent les historiens sur cet événement historique. « C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme», écrivait Kateb Yacine, alors lycéen à Sétif.

Pour l’auteur de Nejma, «la manifestation du 8 mai était pacifique. En organisant une manifestation qui se voulait pacifique, on a été pris par surprise. Les dirigeants n’avaient pas prévu de réactions. Cela s’est terminé par des dizaines de milliers de victimes. A Guelma, ma mère a perdu la mémoire… On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues. La répression était aveugle; c’était un grand massacre». Les massacres du 8 mai se sont gravés douloureusement dans la mémoire des Algériens, «d’autant plus que ces atroces forfaits perpétrés par l’administration et l’armée coloniales ont été étouffés depuis et déformés, par les gouvernements français; les colons de l’époque les niaient et les nostalgiques de l’Algérie française les nient aujourd’hui encore», écrivaient plusieurs historiens sur cet événement.
La sauvagerie de la répression française a renforcé l’attachement du peuple algérien à l’indépendance et au mouvement nationaliste militant pour l’indépendance. Historiens et acteurs de la révolution sont unanimes à s’accorder à dire que le déclenchement de la révolution du 1er novembre 1954 a été bel et bien l’émanation directe des événements du 8 mai 1945 en Algérie.
La proclamation du 1er Novembre 1954, document politique fondamental de la Révolution Algérienne, parmi les plus étudiés par les historiens, n’avait justement pas fait fi du mouvement national depuis la création de l’Etoile Nord-Africaine. Une révolution qui était l’émanation directe des événements de 1945 avec qui le lien était tellement étroit qu’il mérite d’être souligné, mais à la différence que le peuple algérien qui y a manifesté alors, croyait encore en la possibilité de recouvrer ses droits par des moyens pacifiques. Mohamed Boudiaf affirmait, en 1961, dans «le commencement», écrit à Turquant, que la réussite du 1er Novembre, qui était «une marche historique qui a bouleversé un continent et qui n’a pas fini d’étonner le monde par sa puissance, sa vitalité face à un adversaire désorienté et complètement déréglé», était bel et bien une belle leçon apprise par le peuple algérien «instruit par son premier échec, à ne plus commettre d’erreurs et à utiliser les moyens adéquats capables de faire face à la force qu’on lui a toujours opposée».
Oui, cet authentique sursaut populaire héroïque et salvateur qui a engendré la date du 1er Novembre, une révolution libératrice, essaimée à travers le monde, en symbolisant un flamboyant modèle de résistance pour les peuples opprimés, était la suite logique des événements sanglants du 8 mai 1945. Pour l’historien Mohamed Harbi, les massacres du 08 mai 1945 sont «un traumatisme qui radicalisera irréversiblement le mouvement national». «Désignés par euphémisme sous l’appellation d’«événements» ou de «troubles du Nord Constantinois», les massacres du 8 mai 1945 dans les régions de Sétif et de Guelma sont considérés rétrospectivement comme le début de la guerre algérienne d’indépendance», notait M. Harbi qui considère que «cet épisode appartient aux lignes de clivage liées à la conquête coloniale».
La guerre d’Algérie a commencé ce 8 mai 1945, le général Duval, qui avait commandé l’impitoyable répression, a écrit dans un document adressé à ses supérieurs: «Je vous ai donné la paix pour dix ans. Mais il ne faut pas se leurrer. Tout doit changer en Algérie». On ne changea rien à l’Algérie et il ne se passa même pas dix ans avant que l’insurrection éclate, le 1er Novembre 1954. 76 années après les massacres du 8 mai 1945, pour beaucoup d’historiens algériens et français, «il est quasiment impossible de célébrer l’anniversaire de la victoire contre le fascisme sans vouloir arracher à l’oubli ce qui s’est passé en Algérie ce même 8 mai 1945 et les jours suivants ». « Amputer notre histoire commune par l’occultation de ce crime d’Etat ne permet pas à la France d’en finir avec la page coloniale de son histoire », affirme, à plusieurs reprises, le collectif « L’autre 8 mai 1945, contre l’oubli », composé d’Associations, de partis politiques et de plusieurs personnalités françaises.
« Il est impératif de sortir du cercle vicieux et de trouver une nouvelle approche dans le traitement des massacres du 8 mai 1945 afin de pouvoir rendre justice aux victimes de ces actes, qui constituent selon la classification internationale, « des crimes contre l’humanité », a tenu à le réaffirmer, plusieurs fois, le professeur universitaire spécialiste en droit international, Zidane Salah Eddine. Lui emboîtant le pas, d’autres spécialistes plaident aussi pour « une nouvelle approche » dans le traitement des massacres du 8 mai 1945 perpétrés par la France coloniale à l’égard des Algériens. Cette nouvelle approche est une nécessité historique du fait que des actions en justice n’aient pas été intentées contre les institutions françaises responsables de ce génocide. «Il est impératif de passer à un autre niveau, celui de la reconnaissance et des excuses des auteurs de ce crime pour aller ensuite à l’indemnisation des victimes », plaident aussi plusieurs acteurs politiques, juristes et associatifs des deux rives en évoquant des mécanismes juridiques existants pour classer, au vu du droit international, les massacres du 8 mai 1945 en Algérie comme crimes contre l’humanité. En ce jour du 8 mai, «cette France qui fait teinter ses médailles aujourd’hui, à coup de célébrations idéologiques, continue de pratiquer le déni historique sur ses propres crimes», affirment encore certains militants français de gauche.
La France qui cultive les paradoxes, se rappelle la barbarie nazie et les crimes de Vichy mais oublie sciemment ses crimes coloniaux. Cette France qui refuse d’admettre ses crimes est, décidément, déjà condamnée par l’histoire. En ces temps de crise que traverse l’Algérie, la date du 8 mai, consacrée «Journée nationale de la mémoire», est une halte historique et une source d’inspiration pour restituer l’esprit du sacrifice du peuple algérien, uni contre le colonialisme français. Il convient de combattre l’oubli, rendre hommage aux initiateurs, concepteurs et nombreux anonymes qui ont fait la réussite de la révolution algérienne en perpétuant le sens de l’honneur et de leur sacrifice auprès des générations post indépendance. Préserver cette mémoire nationale, pilier de l’identité nationale, et la préserver de toute altération et de la transmettre aux générations futures, est un devoir. Cette journée de la mémoire est une halte pour projeter l’Algérie dans son avenir à construire par tous et toutes avec toutes et tous, avec les différences. Bâtir un Etat fort dans la diversité et vivre ensemble avec les différences sont le socle de la nouvelle Algérie.

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