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L’OAS A ORAN. Le jour où la peste a réveillé ses rats

«Le nombre d’attentats OAS en six mois, était quatre fois plus important que le nombre des attentats du FLN en six ans », selon Mr Vitalis Cros, préfet de police à Alger en 1962. Plus d’un demi-siècle après l’indépendance de l’Algérie, parmi les anciens colons français, certains ne parviennent toujours pas à oublier leur «pays». Progressivement, ils ont constitué des réseaux d’où a fini par émerger un véritable lobby de l’«Algérie française» qui cherche à donner un sens humain et humaniste à ce que fut la colonisation. Le lobby de l’«Algérie française» était si efficace qu’en février 2005, une loi glorifiant « les bienfaits» de la présence française outre-mer, a vu le jour. L’article 13 de cette loi prévoit une indemnité de 5.036 euros aux terroriste de l’OAS, qualifiés pour l‘occasion «d’exilés politiques», une «forme d’hommage» aux assassins et plastiqueurs sans uniforme, des civils. Les chefs militaires eux, avaient trouvé leurs droits à la retraite en 1982 grâce à une loi d’amnistie signée par le Président françois Mitterrand. Le comble a été atteint par la nomination de Athanase Georgopoulos, dit «le roi de trèfle» comme représentant des rapatriés, lui qui est à l’origine de la création de l’OAS à Oran et qui a fui à l’étranger pour échapper à la justice de son pays. Ce bourreau s’est retrouvé juge et parti au sein d’une commission nationale. Une injure et un mépris pour les victimes de l’OAS.

Le terrorisme OAS à Oran
L’une des premières tâches à laquelle ils vont s’atteler, est la mise en place d’un vaste réseau d’écoutes téléphoniques ciblant les autorités coloniales civiles et militaires. Mais le chantier le plus important fut pour eux l’encadrement des quartiers à majorité coloniale. Le basculement, y compris par la contrainte et sous la menace, de la population dans le terrorisme ne se fit pas attendre. Tous les mots d’ordre de l’OAS étaient suivis à la lettre. Des « casserolades », aux journées de grève, en passant par le pavoisement aux couleurs de l’organisation terroriste (l’emblème français frappé de deux pieds noirs dans la banche blanche), cotisations, collectes de l’information, etc. De l’avis des principaux dirigeants OAS, eux-mêmes, la « zone III » a connu une organisation remarquable par rapport à Alger. Organisées en « collines » (secteurs) qui ont englobé l’ensemble des quartiers « européens », y compris le quartier israélite où était basée la « colline 7 » constituée exclusivement de juifs, les activistes continueront, sans relâche, jusqu’au jour de la fête de l’indépendance, à sévir à travers des actions terroristes qui ne connaîtront aucune limite. Cette « colline 7 » qui s’est constituée dès la formation des premiers noyaux OAS à Oran, a été intégrée par le général Jouhaud dans sa stratégie de la terreur à la fin de l’année 1961. En effet, c’est à la suite d’une réunion tenue dans la grande synagogue entre lui et le consistoire israélite, le 15 décembre 1961 que la décision a été prise. Pour faire diversion afin de garder secrète cette réunion, il a été programmé des agitations et des manifestions afin d’y focaliser le regard de la population et l’intention des forces militaires chargées de lutter contre l’OAS. Mais si la synagogue elle-même s’est impliquée dans le terrorisme des fascistes, ce sont certains bars, pour ne pas dire, de la rue de la Révolution, l’artère principale du quartier israélite, qui seront le lieu de rencontres et de départs des desperados pour leurs descentes sanguinaires contre les quartiers algériens. Consigne a été donnée, le 29 décembre 1961, de plonger la ville dans le noir en laissant toutes les lumières éteintes entre 19 heures et 19 heures 30. Au même moment, des commandos préparés depuis la semaine précédente se sont attaqués aux studios de la radio-télévision qui sont totalement détruits. Désormais, seule la radio pirate de l’AOS a droit de cité. Deux mois après, jour pour jour, c’est un juif qui va conduire une voiture piégée dans le quartier le plus populaire et le plus commerciale de la ville où elle explosera, en plein mois de Ramadhan, à moins de deux heures de la rupture du jeûne. C’est-à-dire au moment où des centaines de personnes sont en train de faire leurs dernières courses avant de regagner leurs domiciles, notamment les achats de pâtisseries et autres gâteaux spécifiques pour le mois du Ramadhan et dont ceux qui étaient en vente dans ce quartier étaient et resteront légendaires. Une voiture piégée (la première du genre) dans l’Esplanade de Mdina Jdida à moins de 02 heures de la rupture du jeûne, un jour de Ramadhan (28 février 1962): un carnage qui est resté le plus grand de sa triste histoire. Elle a commis un grand nombre de hold-up dans différents organismes (banques, sécurité sociale, postes), mais le plus important fut celui de la Banque de France d’Oran, en plein jour. Plus de deux milliards ont été pris et le reste abandonné, faute de sacs pour l’y mettre. La chasse à l’Algérien a été au quotidien, comme elle l’était en direction des étrangers qui étaient favorables à l’indépendance du pays et les officiers de l’armée coloniale qui s’opposaient à leur terrorisme. Les blessés étaient achevés dans leurs lits d’hôpital. Les magasins plastiqués. Les femmes de ménage abattues dans la rue. Jouissant de complicités à tous les niveaux dans les différentes institutions, ayant partout des yeux et des oreilles, ils ne reculaient devant rien pour commettre des horreurs inimaginables. Des édifices publics (mairie, bibliothèques, écoles) sont incendiés, plastiqués. Cette escalade a connu un bond en avant à partir de l’automne 1961, à la suite de la prise en main de la situation par le général Jouhaud et ses adjoints militaires qui l’ont rejoint. Le maillage de la ville devenait absolu. «Car, disait ce dernier, le but était d’arriver à ce que l’O.A.S. contrôlât la ville, immeuble par immeuble, puis quartier par quartier (…) la prise en main d’une population postule de pouvoir toucher tout le monde, de bénéficier du crédit moral pour être écouté, et de pouvoir en outre faire authentifier sa voix ou sa plume (…). Dans les bâtiments importants – et c’était le cas de celui que j’habitais- il était désigné un délégué de l’O.A.S. par étage. Lorsque le responsable de mon immeuble prit en main ses fonctions, il commença par dresser une liste des locataires, avec un coefficient correspondant aux services que l’on pouvait attendre de chacun. Il était intrigué par un certain Louis Jerbert qui logeait au second étage. Ce Jerbert, je le rappelle, c’était moi». L’OAS qui s’est créée en réaction à la politique officielle de l’Etat français en fédérant plus ou moins toutes les organisations ultras des colons qui existaient depuis les débuts des années 1950, dont certaines ont gardé leur autonomie tout en la rejoignant, était d’abord une affaire franco-française. A Oran, les organisations de ce type qui sont connues pour avoir tenu leur distance par rapport à l’OAS, du moins au début, furent celle dénommée GAD et le Réseau Bonaparte. La première «La Garde au drapeau» qui était implantée un peu partout, était constituée des anciens des Unités territoriales qui ont été démobilisés. Ses membres refusaient de se mettre sous les ordres de «civils» et exigeaient la présence d’un officier de l’armée à la tête du commandement. Le deuxième, quant à lui, tenait à garder son autonomie et ne voulait absolument rien partager avec les autres, gardant même au grand secret les moyens dont il disposait, tout autant que ses effectifs et son implantation. A cette époque le réseau le mieux structuré et le plus opérationnel était celui qui appartenait à l’organisation France-résurectiondirigée à Alger par Montpeyroux et qui avait pris à Oran le nom de France-Algérie où elle était connue pour son implantation dans le milieu des professions libérales, notamment les médecins, et les grands commerçants. C’est elle qui va tenter de monter un maquis OAS dans la région du Dahra, dirigé par Petitjean et Souètre. C’est elle qui signera les premiers attentats à la bombe (plastic) à Oran en avril 1961. En face de l’inefficacité des responsables désignés par Paris pour «maintenir l’ordre», un général, Joseph Katz, a été nommé à la tête d’Oran en février 1962. Ayant pris ses fonctions, le jour même de l’attentat à la voiture piégée de MdinaJdida, ne pût être qu’en mesure d’assurer sa propre protection, échappant à plusieurs attentats, et attendre l’aboutissement des négociations d’Evian qui ont mis fin à la guerre de libération. Son prédécesseur, Michel Fritsch à la tête de l’armée coloniale à Oran n’a pas tenu plus d’un mois. Nommé en effet le 25 janvier 1962 pour s’occuper de la ville qu’il connaissait bien pour y avoir exercé en 1956-57 plusieurs commandements à la tête de la Légion étrangère ou des tirailleurs, il était attendu de lui de «conseiller» techniquement le préfet de police Denizot pour lutter contre les réseaux de l’OAS. Son arrivée est «saluée» par une tentative d’attentat à la grenade contre lui par un commando du FLN qui n’a pas atteint son véhicule. La mission de neutraliser le général Jouhaud ne le réjouissait pas. Il cède la place.

Riposte des nationalistes algériens
Jamais sans doute, la solidarité entre Oranais n’a été aussi remarquable que durant cette période 1961-62. Interdit de circuler en dehors de leurs quartiers coupés des autres par des barbelés, sous peine d’être assassiné en tout impunité dans une ville livrée au terrorisme, plus personne ne pouvait se rendre à son travail. Les écoles étaient désertées. Les mitraillages aveugles aux arrêts de bus à partir de voitures qui passaient dans la rue devenaient banals. Le printemps 1962 contera quotidiennement d’une dizaine à une cinquantaine d’attentats chaque jour. Plus personne ne pouvait se rendre à l’hôpital pour des soins. Ni dans une administration. La nourriture venait à manquer. Les ordures s’amoncelaient dans les rues. Certaines familles ont commencé à penser rejoindre les villes de l’intérieur où les colons étaient minoritaires, ou à tout le moins envoyer leurs enfants pour les sauver. Et durant ces mois qui n’en finissaient pas, le désir de vengeance étaient sur toutes les lèvres. L’objectif de l’OAS était de multiplier à ne plus en finir les attentas et les assassinats d’Algériens pour les pousser à réagir contre l’ensemble de la population coloniale. De ce fait l’armée serait obliger d’intervenir avec toutes les conséquences qui pouvait en découler. C’est à ce moment que les dirigeants locaux de la Révolution, sur instruction de leurs responsables régionaux (Wilaya V), malgré le peu de moyen, ont su être à la mesure de la situation. Les différents réseaux ALN/FLN qui existaient dans la ville ont connu une réorganisation, à la fois politico-militaire et sociale avec des hommes aguerris, parfois ayant fait leurs preuves dans le maquis, pour constituer des groupes de combattants urbains «fidaïyyine». Un découpage de la ville en secteurs a permis de désigner des responsables. Ces derniers, à leur tour, ont été amenés à encadrer des militants qui, selon leur structure d’affectation, agissaient sur le plan politique, militaire ou social. Des salles de consultations médicales et de soins sont mises en place dans différents quartiers. Un nombre important de médecins algériens, généralistes et spécialistes, se portent volontaires pour répondre aux différents besoins. Des denrées alimentaires sont distribuées aux familles nécessiteuses. Les enseignants regroupent où ils peuvent les enfants pour leurs dispenser des cours dans différentes disciplines. Des opérations de nettoiement des rues et de ramassages d’ordures sont organisées. Aux bombardements nocturnes de certains quartiers à coups d’obus répondaient des youyous pour les défier. Au tintamarre au «casserolades» d’aluminium qui enveloppait certaines nuits, répondait ce cri si particulier des Oranaises. L’action des fidaïyyine, de son côté, ne se fit pas attendre. Les restaurants et surtout les bars qui étaient devenus des repaires, quand ils n’étaient pas de postes de commandement, de l’OAS sont visés par des attentats. Dès le début de l’année 1961, des opérations planifiées sont exécutées à travers des attentats ciblés et sélectifs. Le renseignement tourne à plein régime. Des français favorables à l’indépendance, en véritables Patriotes de la cause algérienne, foncièrement anti-OAS, n’ont pas manqué d’apporter leur aide malgré les risques. Certains l’ont payé cher. Oran ne les oubliera pas.

À propos Taoufik Rouabhi

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