Face à une flambée de cas de Covid-19, le Liban impose l’un des confinements les plus stricts au monde : interdiction de sortir de chez soi, même pour faire des courses. Dans les régions les plus pauvres, la colère monte face à un gouvernement incapable de gérer la profonde crise économique et la pandémie. Confronté à une nouvelle flambée de Covid-19, le Liban a imposé depuis le 14 janvier l’un des confinements les plus stricts au monde, avec l’interdiction de sortir de chez soi, même pour faire des courses. Dans les régions les plus pauvres, la colère monte. Elle a débordé dans le nord, à Tripoli, la deuxième ville du pays avec un peu moins d’un million d’habitants. Tous les soirs depuis une semaine, bravant l’interdiction, ils sont des centaines à se rassembler pour exiger la fin du confinement. Dans le centre-ville, les morceaux de parpaings, les restes de pneus brûlés et les cartouches usagées de lacrymogène attestent de la violence des affrontements, qui ont déjà fait un mort et plus de 200 blessés. Salma, une mère de famille de 34 ans, hurle sa rage : » Vous vous rendez compte ? On ne peut pas travailler, on ne peut pas s’acheter à manger ! Et maintenant l’armée nous tire dessus ! » ?Pas loin, un groupe de jeunes abonde : » Si on ne meurt pas du corona, on va mourir de faim ! » En plus du Covid, le Liban traverse la pire crise économique de son histoire. En un an, la livre a perdu six fois sa valeur, entraînant sous le seuil de pauvreté la moitié de la population, qui a perdu le peu de confiance qu’elle avait encore dans le système politique. Dans ce contexte, le gouvernement peine à imposer les règles qu’il édicte. Jusqu’au 8 février, tous les commerces, même alimentaires, doivent être fermés. Pour se nourrir, il faut se faire livrer, si on en a les moyens… Dans la réalité, les supermarchés sont bien fermés, mais épiceries et autres boutiques ouvrent en douce. Plus le quartier est pauvre, plus c’est ouvert. La police hésite à mettre des amendes, par crainte que la situation dégénère… Dans le quartier de Jabal Mohsen, l’un des plus pauvres de Tripoli, beaucoup de commerces sont ouverts. Ali Amran sert les clients de son épicerie à la porte. » C’est interdit mais je n’ai pas le choix. Dans d’autres pays quand il y a confinement, les gens reçoivent des aides ! Ici, rien ! » Hassan arrive avec 9 000 livres libanaises, soit à peine 1 € contre 5 € il y a encore un an. Il veut des couches pour ses enfants mais le paquet le moins cher coûte le double. A Jabal Mohsen, 60 % de la population est au chômage, les autres souvent des journaliers : ouvriers, taxis, femmes de ménage… Un enfant vient remplir une bouteille de liquide vaisselle. Pour accommoder ses clients, Ali réduit les quantités qu’il vend : » Bientôt ils vont m’apporter des verres à remplir « ?, ironise l’épicier qui n’a pas fait de profit depuis des mois. Pour l’avocat Fahmi Karame, membre d’un groupe qui organise des distributions alimentaires, la situation pourrait encore s’envenimer car » la classe moyenne qui aidait les plus pauvres n’est plus en mesure de le faire « .
