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Lettres anonymes et poursuites judiciaires. Les corbeaux sont-ils de retour?

Par B.Habib

Il est suggéré un mode d’emploi pour l’exploitation de ce type de lettres dans les investigations que mènent seuls les services de sécurité dans le cadre de la lutte contre la corruption, un phénomène qui a gangrené longtemps l’économie nationale. Un mois après la rencontre walis-gouvernement où Tebboune avait clairement annoncé de ne plus tenir compte des lettres anonymes de dénonciation des cadres, le Président est passé à l’action en envoyant ses “instructions” aux membres du gouvernement et aux services de sécurité. Les lettres anonymes dont le bien fondé ne s’est pas confirmé sur le terrain, ont causé un préjudice à la bonne marche des entreprises et des administrations à différents niveaux et échelles de l’Etat. Le Président de la République, soucieux de donner aux services de sécurité toute la latitude et toutes les prérogatives que leur confèrent les lois de la République afin de mener leurs enquêtes et investigations sans pression “extérieure” et diligenter les poursuites judiciaires sur la base des vérifications minutieuses de l’objet des plaintes déposées par leurs auteurs préalablement identifiés, veut préserver l’équilibre de fonctionnement des entreprises et des administrations mais aussi et éventuellement “libérer” les corps sécuritaire et judiciaire d’une charge supplémentaire, en évitant de tenir compte des lettres anonymes. La Présidence de la République a rendu public, vendredi, un communiqué concernant les lettres de dénonciation anonymes. Dans ce communiqué, il est stipulé que “le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, avait annoncé, dans son allocution d’ouverture, prononcée lors de la deuxième rencontre walis-gouvernement de cette année, tenue les 12 et 13 août derniers, de ne plus tenir compte des lettres anonymes dans les poursuites judiciaires”. Ce communiqué précise qu’une semaine après cette rencontre, le Président de la République a adressé une instruction aux membres du Gouvernement et aux responsables des corps de sécurité. Dans cette “instruction”, poursuit le même communiqué, il est écrit que des rapports parvenus à la Présidence de la République font ressortir que certains cadres de l’Etat et responsables à différents niveaux ont fait l’objet de poursuites judiciaires, sur la base de simples lettres anonymes adressées aux différents services de sécurité et institutions de l’Etat. L’«instruction» note dans ce sens que “nombre de cadres ont ainsi été privés de liberté sur la base de ces lettres qui, le plus souvent, se sont avérées dénuées de tout fondement”. “Outre l’injustice subie par ces derniers sus cités, cet état de fait a entraîné une paralysie de l’activité des administrations et des entreprises publiques, à cause de la crainte, la peur et l’angoisse d’être poursuivi sur la base d’une simple lettre anonyme “mentionne ”l’instruction”, selon le communiqué de la Présidence. “Alimenté par la rumeur, un climat de crainte et de suspicion s’est installé auprès d’autres responsables qui, par crainte d’éventuelles poursuites judiciaires, se sont limités à un minimum d’obligations et n’ont développé aucun esprit d’entreprise. C’est ainsi que le traitement d’importants dossiers, revêtant parfois un caractère d’urgence, est renvoyé à des dates ultérieures, causant ainsi de graves préjudices au fonctionnement de ces institutions. Il est de ce fait impératif de différencier les fautes de gestion dues à une erreur d’appréciation des actes volontaires qui ne profitent qu’à leurs auteurs ou à des tiers malintentionnés”, ajoute le communiqué présidentiel. Comment affronter les lettres anonymes? Le communiqué de la Présidence conforte l’administration judiciaire dans ses compétences. “Pour ce faire, l’administration judiciaire dispose de tous les moyens légaux pour mener des investigations en la matière. Si la lutte contre la corruption est irréversible et nécessaire, elle ne doit, en aucun cas, prendre la forme d’une campagne de déstabilisation des outils de réalisation et de concrétisation des missions de l’Etat et de ses différentes structures d’exécution. Ce climat malsain est naturellement alimenté par des rumeurs souvent distillées par les tenants de l’argent sale, des corrompus, ceux qui veulent à tout prix déstabiliser l’Etat et ses structures pour échapper à leur sort inéluctable”, souligne-t-il. Le communiqué présidentiel juge qu’il est impératif, dès la réception de cette circulaire, de faire la différence entre:
a- les actes qui, bien que condamnables, ne tiennent qu’à l’incompétence ou à la mauvaise appréciation, qui sont démunis de tout esprit ou de volonté de corruption, passive ou active, et ne profitent pas à l’argent incompétent, ni directement, ni indirectement, ni à sa famille, ni à ses amis ou connaissances. Ces actes seront sévèrement sanctionnés administrativement.
b- Les actes ayant été à l’origine de pertes économiques ou financières à l’Etat dans le but d’accorder des avantages indus à des tiers, en infraction aux lois et règlements et sans consultation écrite de la hiérarchie. Dans ce cas, le doute est permis et l’investigation doit être orientée vers la recherche de preuves tangibles de corruption active ou passive.
Par contre, toute aide apportée par les citoyens, directement ou à travers les médias avec les preuves nécessaires, doit être prise en compte pour des investigations éventuelles. Il est clair que dans ce cas, le citoyen doit être protégé par l’Etat de toute forme de représailles.
De même que toute personne, détenant des informations dans ce sens, est invitée à se rapprocher directement des autorités habilitées, conformément aux procédures en vigueur ou, le cas échéant, s’adresser expressément aux organes de la presse, la liberté de cette dernière étant consacrée par la Constitution. Aussi, le ministre de la Justice et les responsables des services de sécurité, en charge des procédures préliminaires et judiciaires, vont être instruits, chacun dans son domaine de compétence, de ne plus tenir compte, à l’avenir, des lettres de dénonciation anonymes, celles-ci ne pouvant en aucun cas constituer une preuve d’imputabilité de faits qualifiés de crime ou de délit. J’accorde le plus grand intérêt à la stricte application de la présente instruction ».

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