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Ighram (Béjaïa). L’un des derniers prisonniers de Ksar Tir nous quitte

Evoquer la Révolution de Novembre 1954, c’est passer en revue ses acteurs, ses dates et ses lieux qui ne se dissocient guère d’elle. C’est justement l’un de ses humbles moudjahiddines qui a sacrifié sa jeunesse pour la cause noble de l’indépendance qui vient de nous quitter. Il s’agit bien de Tahar Outamazirt, du village de Tighilt Makhlouf, dans la commune d’Ighram, qui vient de rendre l’âme en silence, comme ce fut son parcours pour la révolution. Lui qui n’a pas couru derrière la reconnaissance ou la gloire, en préférant répondre que c’était «un devoir qui ne vaut rien devant le sacrifice des milliers de chouhadas». Ammi Tahar, comme il est appelé communément, est parti à l’âge de 88 ans dont une partie de sa vie consacrée à la cause nationale. Au début de la guerre de libération nationale, il a été mobilisé d’office par les autorités coloniales pour passer son service militaire dans des conditions très difficiles. «Ils nous ont séquestrés pendant plus d’une année dans des campements miliaires isolés, en nous affectant dans des tâches dangereuses au péril de notre vie», nous dira-t-il de son vivant, en se rappelant avoir passé une bonne partie du temps «affecté à la surveillance des lieux de stockage des bombes et du napalm». Notre interlocuteur, comme beaucoup d’indigènes mobilisés d’office, ne se rendra pas compte que la guerre d’Algérie jusqu’à 1958, soit la date de sa démobilisation du moment qu’ils étaient, lui et ses camardes indigènes, «isolés de tout contact extérieur et constamment surveillés». Dès son retour à son village natal, il rejoint immédiatement la cellule du FLN/ALN très active comme Moussabel, en accomplissant plusieurs tâches sous l’autorité du chef Nidam. C’est durant cette même année 1958 qu’il sera arrêté par l’armée française et c’est aussi durant cette année-là que s’ouvre une autre page de l’histoire de sa vie. D’abord son arrestation par les autorités militaires françaises, puis la mort de son fils Omar (âgé à peine d’une année) et la femme de son frère, lors du bombardement du village dont est sauvée miraculeusement sa femme Yamina qui a été blessée. Le bombardement au napalm du village Tighilt Makhlouf a engendré plusieurs morts et des blessés parmi les civils dont des enfants innocents. L’aventure de son arrestation commence à Arafou, les centres de tri et de transit d’Akbou et Tizi N’Slib, avant d’être envoyé à la tristement célèbre prison de Ksar Tir, dans la wilaya de Sétif. Le camp de concentration de Ksar Tir est un lieu de torture par excellence et de la mort lente auquel furent soumis lui et nombreux de ses camardes. Ce lieu est appelé alors, «le camp de la mort lente» où séjournaient des milliers de personnes. «Toutes sortes de tortures, de travaux forcés et de méthodes de lavage de cerveau étaient pratiquées dans cette prison», nous dira Ammi Tahar, en se rappelant des «militaires tenant en laisse des chiens policiers prêts à être lâchés à tout moment». Les historiens décrivent la prison de Ksar Tir comme un lieu de torture et de sévices abjects qu’on l’on peut qualifier autrement que de crimes de guerre. «S’étalant sur 12 hectares, le camp de Ksar Tir était fermé de trois barrières, la première de fil barbelé d’une hauteur de 06 mètres, jonchée de mines antipersonnel, la seconde électrifiée, équipée de projecteurs et la troisième de protection, avec des espaces de circulation constamment investis par des chiens, ne permettait aucune évasion», c’est en ces termes qu’était décrite cette tristement célèbre prison. En 1973, ce camp et le village à proximité duquel il se trouve, ont été rebaptisés «Kasr El Abtal» en hommage aux sacrifices des détenus de cette prison durant la guerre de libération nationale. Tahar Outamazirt est sorti de cette prison en 1962, échappant miraculeusement à une mort certaine, vivant toute sa vie des séquelles des conditions inhumaines dans lesquelles étaient détenus lui et ses camardes dont certains ont péri durant la période de détention. Après 1962, Ammi Tahar a mené une vie simple d’un citoyen ordinaire ne cherchant ni reconnaissance ni encore gloire. Jusqu’à ces derniers jours, il mena aussi une autre vie au sein des rangs des Tolbas du chant et psalmodie religieux des zaouïas adeptes de la Rahmania. C’est l’un des derniers prisonniers de Ksar Tir qui vient de tirer sa révérence, après un parcours atypique d’un Moudjahid humble et sincère.

À propos Hocine Smaali

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