LE CARREFOUR D'ALGÉRIE Quotidien national d'information
Le Carrefour d’Algérie: Pour ceux qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous, vous présenter?
Abdou Addani: Je suis né et j’ai grandi à Sidi Bel Abbes dans une grande famille de footeux. J’ai joué d’ailleurs en 20 ans de carrière presque que dans les trois plus grand Clubs de Bel Abbes (USMBA – NEBA- MCBA) il y avait une période ou ont était trois frères dans la même équipe (les trois frères Addani ….rires). Pour ma scolarité, j’avais fait un cursus d’ingénieur d’état en électronique avant d’exiler en France et faire du football mon métier. Malgré mes formations en Algérie, j’ai dû tout repasser en France car les diplômes algériens ne sont pas reconnus en France. En ce moment je suis détenteur de l’UEFA A, de diplôme de préparateur physique et mental et d’analyste vidéo. Je suis aussi directeur du centre de formation du club de Sedan, membre de la commission technique et formateur pour la Ligue grand Est de football (FFF). Je porte aussi la casquette de Président de la commission Futsaldes Ardennes en France et sélectionneur national futsalen collaboration avec Noredine Benamrouche, j’ai rejoint la DTN- FAF en 2018 pour mettre en place un projet de développement et d’accompagnement du Futsal en collaboration avec Mr Ameur Chafik.
C. A: Comment avez-vous découvert le Futsal ?
Abdou Addani: J’ai découvert le futsal malgré moi à l’université de Sidi bel Abbes grâce à mon ancien coach à l’USMBA Mr Kaddour Oundadj (Allah yerhmou). Dans une époque ou le sport Universitaire et scolaire étaient à l’image des résultats de notre football et du sport national et de la qualité des joueurs formés dans les clubs. Je fais partie de l’histoire du futsal Algérien puisque j’étais deux fois champion d’Algerie Futsal Universitaire et j’ai joué une coupe du monde Futsal à Chypre en 1994 comme capitaine de la sélection nationale. Mais depuis, malgré les années et mon exil en France, je n’ai jamais cessé de me battre pour que le futsal soit une discipline reconnue à part entière. J’ai même crée une section Futsal à Sedan et une Ecole de formation du football par le futsal a Charleville-Mézières … ça valait le coup de s’accrocher, puisque 20 ans après l’Algerie a son championnat Futsal. J’ai pu aussi en un temps record et collaboration avec Noredine Benamrouche (que je salue) bâtir la première équipe nationale formé à 100% de joueurs issu du futsal chose qui n’a jamais existé auparavant. J’ai pu aussi mettre en place et animer les premières formations d’éducateurs futsal en Afrique en s’appuyant sur les toutes dernières méthodologies de formation.
C. A: Pourquoi vous dites que le Futsal est l’avenir du football ?
Abdou Addani: Vous savez, beaucoup de gens (surtout les anciens coachs) ont tendance à croire que le football est unique et qu’il existe une seule voie pour la formation. Le futsal, n’est pas juste un jeu entre potes sinon tous les grands joueurs ne seront pas issus du futsal (les Messi, Ronaldo, Ronaldinho mais aussi Zizou, Mahrez et j’en passe). Avec l’évolution du football moderne,la pratiquedu futsal est devenue un élément essentiel adaptée aux attentes de la formation. C’est un fait établi et prouvé partout dans le monde. Si l’offre de pratique du football chez les plus grands répond aujourd’hui plus ou moins aux attentes du public. Chez les jeunes, et pour la formation elle n’a pas assez évolué ces dernières années en Algerie.Le point de départ de la réflexion est double. Ces deux dernières décennies, nous avons enregistré une baissedu niveau de nos jeunes joueurs, les résultats des équipes nationaux jeunes est une preuve du déclin de la formation algérienne dans nos clubs. Cette pratique offrira à nos jeunes l’opportunité de se former au football par le futsal et en même temps former des jeunes joueurs à la pratique du futsal pour préparer la future génération de joueurs capable de représenter le futsal algérien au niveau international. L’enjeu est de sortir un peu du foot traditionnel pour s’ouvrir à autre chose, et sepréparer au football de demain.
C. A: Techniquement, ça voudrait dire quoi ? Quelles Compétences le futsal permettrait-il de développer ?
Abdou Addani: Je dirais tout, Tactique, Physique, technique et mental…Comment ? Déjà, par son terrain de jeu: surface réduite par rapport au terrain de football donc il va falloir être juste techniquement et va falloir prendre la décision le plus vite possible. Le temps est trop court par rapport au football, le joueur futsal est plus vif, et plus intelligeant qu’un joueur de football qui a beaucoup plus de temps pour décider ce qu’il va faire avec le ballon. Le terrain permet aussi de toucher beaucoup plus le ballon: 5 fois plus que dans un terrain de foot à 11. Pour l’apprentissage la répétition est très importante. La surface est plane, elle permet au petits et jeunes joueurs de travailler dans des conditions optimales pour l’acquisition technique, il n’y a ni trous, ni rebonds. Aussi, le fait que le terrain soit réduit, les transitions sont fréquentes et essentielles, sinon l’équipe risque d’être souvent en infériorité numérique en attaque ou en défense. Le futsal est essentiellement basé sur les transitions à l’image du football moderne.Le joueur Futsal est toujours dans le rouge physiquement, il est continuellement en mouvement, il use beaucoup d’appuis courts et de courses brisés il est constamment dans le travail fractionné.
Sans oublier que dans le futsal moins de blessures contrairement à ce qui se dit par ceux qui ignorent la discipline bien sûr à condition d’être bien chaussés et ne pas venir avec des chaussures inadaptés à la pratique du futsal et de respecter les règles du jeu, qui sont l’interdiction du contact et du jeu dangereux, que tu fais 2m ou 1m50 dans le futsal la taille et le poids ne font pas la différence surtout pour les jeunes en apprentissage. Le Ballon qui est spécifique, il est plus lourds, il ne rebondit pas et permets le perfectionnement et la maitrise technique, surtout pour les jeunes. Nombre de joueurs, 5 dont le gardien. Donc beaucoup de rotation, ce qui signifie du temps de jeu pour tout le monde car le nombre illimité de remplacements. Le fait d’être 4 sur le terrain, ça va demander de la coopération, une synchronisation des déplacements et donc une vraie intelligence sur les déplacements de chaque joueur ce qui signifie aussi une maitrise tactique parfaite. Le travail technique est la base du futsal, la qualité des contrôles, de la passe et de la frappe deviennent systématiques dès les premières séances. On apprend aux jeunes joueurs, comment défendre debout, comment se démarquer, comment créer et remplir un espace… mais aussi prendre la bonne décision car le temps est compté vu les 4 secondes pour jouer une balle arrêtée même pour les gardiens de but. Enfin le dernier élément à ne pas oublier, c’est l’apport du futsal dans les domaines sociaux éducatifs. La maîtrise de soi doit être plus importante en futsal. Les fautes collectives sanctionnent l’équipe (respect des règles, pas de contestations…) tout dépassements risque de sanctionner toute l’équipe car au bout de la 6eme faute, chaque faute commise est sanctionné par un tir de pénalité (Tir à 6 m). L’aspect éducatif pend toute sa place grâce à cette discipline, le futsal devient plus spectaculaire. Mettre en avant Respect, Fair-Play et Civisme afin d’utiliser pleinement le Futsal comme outil éducatif.
C. A: En espérant une reprise prochaine… Le championnat Futsal en Algerie peine à décoller et les clubs font du surplace, bien qu’il soit à l’arrêt depuis presque une année à cause du Covid. Qu’en pensez-vous??
Abdou Addani: Jouer le futsal de haut niveau dans des conditions optimales est le souhait de tous les clubs du futsal. Mais le plus important pour nous reste de pérenniser d’abord les clubs existant et leurs donner les moyens pour travailler sereinement. Bien sûr, je ne sous-entends pas de les financer à flot et faire les mêmes erreurs que les clubs de football. Le futsal est au tout début de son histoire et de son projet de développement en Algerie, on est très loin des 60 ans d’existence de certains pays, le niveau en Algerie est encore très loin de nos espérances. Mais si nous voulons construire sur du solide, il faut raisonner sur le long terme. Nos objectifs ne se cantonnent pas uniquement sur le résultat immédiat, mais davantage sur la formation et l’accompagnement au long terme. Donc, il est impératif de rectifier le tir quand les choses ne vont pas dans le bon sens. On n’a pas le droit de faire l’autruche quand il s’agit de l’intérêt général du football et de la discipline en particulier.
C. A: Comment se caractérise alors le projet de développement?
Abdou Addani: On mise énormément sur notre académie Futsal à Belabbes comme projet pilote, mais aussi sur la création des écoles futsal mises en place par certains clubs leaders de la discipline en Algerie, qui font énormément de travail pour faire connaitre cette pratique. Le nombre de licenciés devra être en hausse chaque année partout en Algerie, j’espère inchallah surtout chez les jeunes car un projet futsal à l’école devrait voir le jour s’il y’a une volonté politique. Nous avons aussi un championnat national à deux divisions qui entame sa quatrième saison malgré tout et qu’il va falloir accompagner, car il a survécu a pas mal de tempêtes.
De même, Notre équipe nationale a été crée est formé dans l’urgence, il va falloir lui donner plus de considération car c’est le fer de lance de tout le projet futsal. Même si pour le moment elle est en veilleuse, croyez-moi cette équipe à un avenir et un gros potentiel vu le niveau des joueurs algériens a l’étranger ou ceux en devenir ici au bled. Elle aura son mot à dire dans l’international si elle est accompagnée par une volonté politique dans le sens large du terme avec un vrai projet à l’équivalent des autres sélections nationales. Pour l’intérêt de tous, il va falloir penser autrement car ces derniers temps le futsal est devenu multiple alors que c’est un projet commun. L’intérêt collectif est plus important que ceux des personnes. Même si j’ai beaucoup de regrets, vu la situation et beaucoup de frustration, mes convictions restent intactes, si on veut avoir une bonne sélection nationale, et un bon championnat, il va falloir se donner les moyens (humains et financiers), accepter de se dire les choses et arrêter de courir derrière le résultat à court terme. Que tous les acteurs du futsal tirent dans le même sens car on est tous dans le même sac. Il n’y a pas de mystère dans le chemin de la réussite, il faut une sélection avec un effectif stable, des joueurs qui sont en stage régulièrement, un staff technique qui bosse dans la durée, avec des objectifs clairs et précis et un projet de développement en parallèle imposé par la fédération pour faire progresser les locaux et les emmener à alimenter la sélection afin d’améliorer le niveau du futsal national pour qu’il soit plus attractif et plus près du haut niveau. La saison dernière, plusieurs joueurs de qualités sont arrivés à la sélection nationale pour nous donner un coup de main et je les en remercie du fond du cœur. En deux mois de temps avec trois regroupements pas plus, on est arrivés à faire des pré-sélections (pour les locaux et les binationaux) et en même temps préparer une équipe pour jouer les qualifications pour la CAN et faire douter un des ténors du futsal dans le continent.C’est une expérience humaine incroyable qu’ont avait vécu tous ensemble (je parle de tous les acteurs du futsal algérien, Staff, joueurs et dirigeants de clubs). Dommage que cette ferveur n’ait pas été suivie par le reste des acteurs du football algérien.
C. A: Comment peut-on convaincre les clubs de football de l’intérêt du futsal?
Abdou Addani: Sincèrement, Ce n’est pas possible de continuer de travailler de la sorte (je parle surtout des clubs professionnels) …. Peut-être que ça arrangent certaines personnes et ça leurs permet de se maintenir à leurs postes et à leurs faux projet.Des clubs qui coutent des milliards et qui ne produisent rien, la formation algérienne en ce moment dépend de passionnées de petites associations de quartiers, qui font de leurs mieux avec les moyens du bord pour que certains jeunes vivent leur passion….est-ce juste?? Alors que l’état permet à la plupart des clubs de vivre sous perfusion !!! .
La majorité de nos responsables, coachs, joueurset supporters veulent voir mieux que ça. Surtout, pour les gens comme moi, qui ont connu le football d’autrefois, dix fois mieux structuré avec 10 fois moins de moyens. Chaque club avait une école de foot bien structurée et bien organisée, la formation était une vitrine avec un projet de formation où l’éducateur et le joueurs étaient le cœur du projet. Mais rien n’est trop tard…. pourquoi pas voir un jour des grands clubs de Football créer (voir travailler avec des structure existantes) des sections futsal pour leurs confier la formation de nos futurs jeunes. Attention il va falloir prendre le train et suivre la cadence de la formation du football des grandes nations.Il va falloir regarder le Futsal autrement car le football est multiple et le futsal est l’un des meilleurs moyens de former des joueurs intelligents et autonomes. En espérant que certains clubs professionnels comprennent le message car il en est aussi de leurs intérêts. La vache laitière risque de ne plus donner de lait et ceux qui vont le comprendre trop tard risquent de le payer cher.
C. A: Malgré la frustration, avez-vous encore des objectifs ou des souhaits??
Abdou Addani: Bien sûr, que ce soit dans la vie ou dans le football, j’ai toujours été mordant, avec comme preuve mes 20 ans de combat pour le futsal, malgré tous les aléas que ça soit en France ou en Algerie. Le souhait qui me tient à cœur aussi, c’est de pouvoir un jour assister à des matchs de championnat national joué dans les plus grandes salles du pays avec une médiatisation et une affluence presque équivalente à c’elle des matchs de football. Des salles dédiées spécialement au Futsal, avec la conviction aussi, que les collectivités jouent le jeu pour promouvoir le futsal, un sport à part entière….peut-être je rêve!!…. Mais pourquoi pas, dans un pays comme l’Algerie certaines salles de haut standing ne servent qu’aux meetings et aux spectacles avec des parquets qui coutent des millions de DA!! C’est incompréhensible?? Alors qu’on refuse de donner des créneaux à des clubs qui cherchent juste à vivre leur passion et a éduquer les jeunes par le futsal. Mais bon en ce moment et avec cette pandémie mondiale, je préfère ne pas me projeter très loin. Je préfère comme d’habitude toujours garder le cœur rempli d’espoir. Le futsal est bien plus pour moi, qu’une soit disant pratique complémentaire.
