En tant qu’enfant témoin oculaire de la guerre d’Algérie quand écla-ta cette grande et ultime bataille de Fellaoucène, d’avril 1957, alors que je n’avais pas encore bouclé mes 07 ans d’âge car né en octobre 1950, mais comme la mémoire d’un enfant est fertile, les images du champ de bataille sont encore gravées et vivaces dans ma mémoire: nous étions pris en sandwich, nous habitants des quelques maisons nichées au pied du mont Boukhoukha, une des montagnes de Fellaoucène, formant la chaîne des monts de Traras, entre les tirs des moudjahiddines incrustés dans la forêt et les rochers de ladite montagne et les tirs et bombardements à l’arme lourde y compris l’aviation de l’ennemi en face. C’était comme dans un film «d’Apocalyps now» où l’humain était mêlé à l’animal: ça courait dans tous les sens, hommes, femmes, enfants, nos chiens, nos cheptels composés d’ovins, de bovins, de bêtes de somme, le tout sous l’arrosage de bombardements de l’aviation. Nous étions tous animés par l’instinct de survie, aussi bien l’humain que l’animal! L’essentiel était de courir, courir pour sortir de cette fournaise, en espérant ne pas recevoir une balle perdue ou à dessein, comme se fut le cas pour un de nos mulets qui mourra quelques heures après en plein Oued Hlaoua. A l’exception d’un court métrage réalisé il y a quelques années sur cette bataille et qui était restée en deçà de l’importance de cette région de Fellaoucène qui, à l’instar des Aurès ou de la Kabylie, n’a pas eu la considération officielle qui aurait du être la sienne avec une médiatisation adéquate, une couverture télévisuelle à la hauteur de l’importance de l’évènement, auprès des Algériens, car cette ultime bataille doit être dénommée «Oummou El Maarik», la mère des batailles ! D’ailleurs, même au cours de ce court métrage, des témoignages ont été recueillis auprès de quelques acteurs qui avaient vécu de près ou de loin cette bataille, sauf aux gens de la zone de bataille proprement dite de Béni-Meshel, incluant Ouled Berrached, Ouled Benyacoub, El Manchar, El Karia, Ain Fetah (ex-Boutrak), El Mahrez*(actuellement indûment baptisée commune de Fellaoucène, alors qu’il aurait été plus logique de donner ce nom à la commune de Ain F’tah ex-Boutrak !) Ce modeste témoignage de l’enfant que je fus, reste empli de tristesse, de chagrin, par l’injustice de l’Histoire et des hommes, car cet évènement quand il n’est pas boudé, complètement oublié pendant des années, il est à peine marqué par la visite d’un wali et la levée du drapeau au niveau du siège de la commune, sans plus, comme s’il s’agissait d’un banal évènement… Alors qu’exceptionnellement pour cette bataille, c’est l’ALN qui la planifia, pour venger l’enfumage du Kef d’Aghrarez où périrent plusieurs dizaines de civils par asphyxie, car ne voulant pas se rendre à l’ennemi! Nos djounouds se sont préparés en commençant par creuser des tranchées dans la forêt et aménager des abris dans les crêtes des montagnes et envoyèrent des tracts à l’armée française stationnée notamment à la caserne de Sidi Ali Benzemra (ex-Leproux), de Boutrak, actuellement Ain F’tah, la défiant au combat. Cette bataille dura, d’après les témoignages recueillis, neuf jours durant lesquels la bataille fut atroce, nuit et jour, un enfer sur terre où l’ennemi utilisa toute sorte d’armes, l’artillerie lourde, l’aviation, même le napalm était de la partie ! Nos valeureux djounouds résistèrent et combattirent avec détermination et la Foi en Dieu avec leur slogan « Allah Akbar » et infligèrent à l’ennemi des pertes considérables en se permettant le luxe d’abattre, avec leurs armes légères, un hélicoptère! Certes, même du côté de nos moudjahiddines, il y eut des morts, des chouhadas pour la bonne cause et dont la récompense ne peut être que l’Eden, le Paradis avec ses délices…amen ! Au fait ,il n’y a pas eu ,une seule Bataille de Fellaoucène, il y en a eu quatorze , d’après mon feu père qui fut désigné comme merkez dès l’arrivée des djounouds dans la région jusqu’à ce que celle-ci fut décrétée zone interdite après cette bataille d’avril 1957 et que toute sa population fut regroupée au camp de regroupement de sidi Ali Benzemra dont notre famille où mon feu père reçut l’Ordre des responsables de la zone 2 wilaya 5 ,présidé par feu le commandant Boucif, d’infiltrer l’armée française, en sa qualité d’agent double(voir témoignage à la fin de l’article d’un fils de chahid ),pour continuer à servir la révolution de l’intérieur de la caserne, en communicant au profit de l’ALN, toute information utile, sur les mouvements des soldats, la programmation des ratissages, la sortie de médicaments et même de munitions, ce qu’il fit la mort dans l’âme et non pas sans résistance. Par ailleurs, sur un autre chapitre, celui du développement économique, cette région ne peut même pas prétendre bénéficier des aides de l’Etat allouées par l’actuel président aux zones d’ombre ! Pourquoi ? Tout simplement parce que ces zones d’ombre sont restées dans l’obscurité depuis l’indépendance à ce jour! Car ces douars des Béni-Meshel, Ouled Berrached, Ouled Benyacoub… bombardés durant cette fameuse bataille sont restés en l’état de ruine à ce jour, sans route , sans électricité, donc inhabitables. Certes dans un passé récent, il y a eu un semblant de route communale, une pénétrante qui n’arrive pas à tous les hameaux, d’ailleurs non habités, en plus de l’arrivée de quelques poteaux électriques en 2019-2020 qui s’arrêtent au pied de la montagne, faute d’habitants dans les ruines sûrement! Si ces zones venaient à être réhabilitées, les populations reviendraient habiter et travailler leurs terres car actuellement les paysans de cette région viennent travailler la terre la journée et regagnent le soir le chef-lieu de la commune Ain F’tah. Par la même occasion, je voudrais évoquer par cette circonstance des noms d’héros et d’héroines de cette région de Fellaoucène, qui sont restés dans l’anonymat dont les histoires sont arrivées à moi, à mes oreilles, car il s’agit de mon entourage immédiat et à travers ces petites gens, hommage sera rendu à tous leurs semblables de l’Algérie profonde.
-1- Je commencerai par mon feu père :
-qui fut désigné merquez dés l’arrivée de djounouds à Fellaoucène, car propriétaire terrien à l’abri du besoin.
– qui remit son fusil de chasse, un st –Etienne n° 16 ,comme il aimait le souligner, ainsi que son pistolet,un joyau personnel qui ne le quittait jamais, à l’ALN.
– sa maison fut bombardée lors de cette Bataille et détruite complètement
– emprisonné et torturé avec son fils Dris encore adolescent (15-16 ans) à la ferme «Bonet» à Hammam Boughrara, ils connurent tous les deux la gégène et la baignoire. Dris se souvient encore de l’application de l’électricité sur ses organes génitaux, alors qu’il était encore adolescent !
– on a tiré sur lui au cours de cette Bataille et c’est son mulet qui reçut la balle et mourut
– il fut l’auteur qui subtilisa la mule qui était armée d’un mortier par les soldats français et la fit arriver aux djounouds en incognito,les témoins qui avaient vu la scène existent. C’est feu Nafai Gendouz, djoundi, qui dans son vivant m’avait rapporté cette information avant mon père et qui m’a été confirmée récemment par un fellah dont la propriété est mitoyenne avec la nôtre, un certain Ziani Miloud résident toujours à AIN F’TAH (ex-Boutrak).
-sur ordre du FLN ,il dut infiltrer les rang de l’ennemi en intégrant la caserne de Sidi Ali Benzemra (ex-Leproux), en sa qualité d’agent double, jusqu’au jour où on le suspecta de cela ,où il frôla le poteau d’exécution (pourles détails, voir le livre du Dr. A.Bouarfa édit.Gherb 2008), c’est grâce à un alibi, que l’exécution fut amendée et il fut expulsé de la caserne en 1958-59 et s’installa à Maghnia où il continua à milité jusqu’à l’indépendance. Il vécut 107 ans et mourut en 2015 à Oran chez son fils Chirurgien en emportant avec lui son secret d’Agent Double, car Ceux qui étaient dans le secret, notamment le Commandant Boucif ainsi que les autre responsables locaux ne survivèrent pas à l’indépendance. L’ironie du sort, c’est qu’au niveau des services des renseignements ,il semblerait qu’il soit toujours classé en tant que collaborateur donc harki !!
D’ailleurs, je suggère aux services de sécurité de mener leur enquête au près de la population locale,du moins des quelques personnes âgés encore en vie, de fellaoucene et notamment de Ain F’tah (ex-Boutrak) et sidi Ali Benzemra. Je citerai des familles voisines du douar ,telles les Ben Abdelkader,les Ziani, les Zirar, notamment un ancien maire de Fellaoucene Zirar, etc… dont le quelques survivant peuvent confirmer l’apport non négligeable de mon père à la révolution et ainsi rendre un tant soi peu justice à ce Lion des Monts de Fellaoucene, même à titre posthume et effacer cette tâche infâmante de son dossier, ne serait-ce que vis-à-vis de sa descendance, sans aucune compensation matérielle que procure cette carte d’OCFLN, d’autant plus qu’il avait refusé de la demander de son vivant malgré l’insistance de certains maquisards qui sont venus le voir après l’indépendance, dont Nafai el guendouz,djoundi qui fut brigadier de police à l’indépendance à Maghnia et dont j’ai relevé son témoignage de vive voix en lui rendant visite à son domicile au village Akid Lotfi à la frontière Algéro- Marocaine de son vivant et dont je dois avoir dans mes archives sa photo d’ identité et les coordonnées de sa carte de Djoundi, que je lui avais demandés, pour plus ou moins authentifier éventuellement ce témoignage pour le besoin du livre qui allait être édité . Je citerai aussi Belmir , frère du Chahid Belmir dont j’avais recueilli le témoignage dans les débuts des années 2000 alors qu’il était déjà âgé de 90 ans qui m’avait exhibé sa carte de détenu politique, mais comme il a été acquitté à son procès, faute de preuves, donc non condamné,il ne percevait aucune pension !
-2- Ma Mère Kadri Fatna qui servait de Tissal entre son feu Mari, c-à-d mon Père, et son Frère Kadri Rabah,Chahid, fusillé en place publique à Maghnia en compagnie de deux autres Chouhada M’ghaber et Mouh Bouziane . Et qui avait un autre frère au maquis à la frontière Tunisienne, Kadri Ahmed, qui fut chef de secteur militaire à l’indépendance à Constantine, après avoir été négociant avec les français à la frontière tunisienne pour la rentrée de l’armée algérienne stationnée en Tunisie et comme c’était un Arabisant pur ayant intégré la révolution à partir d’El Azhar, il avait pris comme interprète celui qui devint le colonel Chabou, rahimahoum Allah jamiâne.
Feu Kadri Ahmed après le poste de chef de secteur de constantine occupa celui de la 1ère région à Blida, ensuite le sud et puis Annaba, avant d’être détaché au Parti FLN en tant que Commissaire National du parti et Membre de son comité central, jusqu’à sa mise en retraite, d’où il fut rappelé, quelques années plus tard pour siéger au sein du conseil supérieur de la magistrature ,puisque titulaire d’une licence en droit, et ce, jusqu’à son décès. D’ailleurs, la salle de réunion du dit conseil a été baptisée en son nom par le ministre de la justice de l’époque où trône son portrait normalement encore, en plus de la baptisassions d’un collège d’enseignement moyen à la daira de Bir El Djir (Oran) en son nom.
-3 Ma Marade, Zeghdoudi Fatna (1ère épouse de mon père) qui n’a point démérité car c’était à elle que revenait le plus souvent la tâche de nourrir le djounouds. Elle était mobilisée à chaque fois que les djounouds arrivaient dans le coin, infatigable, elle alimentait les djounouds même en l’absence de son mari.
-4- Ma Tante Ouassinia dont le père était cheminot à la gare de «zoudj béghal» à la frontière marocaine où elle a eu la chance de fréquenter l’école primaire, donc comprenait et parler le français . Revenue, une fois mariée à son cousin ,habiter au douar d’Ouled Berrached et lors d’une rafle, les soldats français fouillaient les maisons et maltraitaient les occupants, surtout les femmes, les filles, les enfants car les hommes généralement désertaient les maisons à l’arrivée de la soldatesque françaises pour ne pas être tués. Et pendant leur fouille, l’officier en chef reçut un coup de fil sur son TSF (téléphone sans fil) c’était un appareil lourd porté sur le dos d’un soldat, l’ordre d’aller tendre une embuscade aux fellegas qui se dirigeaient vers le village ,que l’avion de reconnaissance avait localisés. C’est alors que l’officier en chef informa à haute voix, ses soldats de la mission et il rajouta quand on aura anéanti ces felleagas nous reviendrons au village et vous aurez carte blanche, violez- les toutes, femmes, jeunes filles… Il était loin de savoir que parmi ces campagnardes, il se trouvait une femmes qui comprenait la langue de Molière! C’est alors qu’une fois les soldats quittèrent la maison pour aller intercepter les djounouds, tante ouassinia expliqua aux autres femmes qui ne comprenaient pas le français ce qu’elle venait d’entendre et sans perdre de temps, d’abord elles envoyèrent un enfant d’une dizaine d’années à peine, pour alerter les djounouds de l’embuscade qu’allaient leur tendre les soldats français. Il partit comme un éclair en empruntant un raccourci à l’abri de la vue des soldats français, enfant du terroir il connaissait mieux le terrain que les français, il arriva avant eux chez les djounouds, les informa que les français sont en route pour les intercepter, alors après ce renseignement en or, les djounouds s’organisèrent et préparèrent un guet à pans, dans lequel, les soldats français se retrouvèrent bien encerclés et ils périrent tous sous les balles de nos valeureux combattants. Cet enfant,ne mérite-t-il pas une médaille? N’est-ce pas, le Petit Omar de la Région?
A suivre…
