Accroupi en bordure de la rou-te principale de Bagram, Mir Salam brasse de minuscules pièces de circuits électroniques dans la poussière. Toutes cassées. « Voilà ce que font les Américains, ils détruisent absolument tout! » Le quadragénaire siège dans un amas de ferraille, de téléphones militaires sans combinés, de claviers d’ordinateur brisés, de bouteilles thermos sans bouchons, de pneus déchiquetés, de carcasses d’imprimantes et de prises de courant sans fil… A quelques kilomètres de là, l’armée américaine est en train d’évacuer sa plus grande base aérienne en Afghanistan, fréquemment attaquée par le passé, dans le cadre de son plan de retrait après 20 ans de présence militaire. Bagram, héritée de l’occupation soviétique à une cinquantaine de kilomètres au nord de Kaboul, sera rendue d’un jour à l’autre aux forces afghanes après avoir abrité depuis 2001 des dizaines de milliers de soldats occidentaux – et même une prison secrète. « Les préparatifs sont en cours pour remettre intégralement le contrôle de la base aux forces de sécurité afghanes », assure le jeune gouverneur de Bagram, Lalah Shrin Raoufi. « Nous avons commencé à recruter des soldats », d’autres viendront des autres provinces: au total, 2.800 hommes doivent prendre le relais, indique-t-il. « Nous prendrons ceux qui remplissent les critères ». En quittant les lieux, les forces de l’US Army font le grand ménage. Ce qui ne part pas avec eux, dans le ballet quotidien de dizaines de camions et d’avions cargo entamé depuis début mai, « ils le font exploser ou le brûlent », s’insurge Mir Salam. « Bien sûr que je suis en colère! Ils ont tué nos parents, nos enfants dans cette guerre. Il y avait dans cette base plein de choses neuves, de quoi reconstruire 20 fois l’Afghanistan. Mais ils ont tout détruit ». Mohamad Amin abonde: « ils sont venus reconstruire notre pays mais maintenant ils le détruisent, ils auraient pu nous donner tout ça ». Les deux hommes louent 1.000 afghanis (12 dollars) par mois un modeste terrain grillagé pour fouiller les débris qu’ils récupèrent en espérant revendre le métal aux ferrailleurs.
